« Lune froide sur Babylon » de Michael McDowell : Et au milieu coule le Styx

Après la saga Blackwater, on continue de découvrir l’œuvre du regretté Michael McDowell. Lune froide sur Babylon est un formidable thriller gothique qui nous entraîne dans la moiteur d’une Floride particulièrement inquiétante.

Michael-McDowell-2024
© Laurence Senelik Collection

En avril 2022, les éditions Monsieur Toussaint Louverture se lancent dans une aventure éditoriale audacieuse : publier en quelques semaines les six tomes de la série Blackwater de l’Américain Michael McDowell. Décédé en 1994 à l’âge de 49 ans, ce romancier (également scénariste du Beetljuice de Tim Burton) méritait d’être enfin re(découvert) et le pari éditorial se révèlera vite payant : un an plus tard, 800 000 mille exemplaires des six tomes avaient été vendus. L’éditeur bordelais a donc lancé La bibliothèque Michael McDowell, collection consacrée à cet auteur passionnant, adepte d’une littérature capable de brasser bien des genres.

Après Les Aiguilles d’or et Katie, Monsieur Toussaint Louverture nous propose Lune froide sur Babylon, un roman paru initialement en 1980, et qui avait été publié en français au début des années 90 dans la fameuse collection “Pocket Terreur” sous le titre Les Brumes de Babylon. Cette réédition (magnifique, comme toujours avec Monsieur Toussaint Louverture) est l’occasion de redécouvrir cet excellent roman qui mêle thriller horrifique et satire sociale avec beaucoup d’allant et d’humour noir.

L’action se déroule dans le nord de la Floride, sur les bords du Styx, une rivière qui traverse la paisible petite ville de Babylon. C’est là que vivent les Larkin, une famille marquée par le destin funeste de Jim et sa femme Jo-Ann qui se sont noyés dans d’étranges circonstances dans les eaux troubles du Styx. Élevé par sa grand-mère Evelyn, Jerry, le fils de Jim et Jo-Ann, s’occupe désormais de l’exploitation de myrtilles familiale, tandis que sa jeune sœur Margaret est encore au lycée. Mais leur vie, rythmée par les saisons et les récoltes, va à nouveau être frappée par la tragédie. Une nuit d’orage, Margaret disparaît…

C’est ainsi que débute Lune froide sur Babylon, un thriller qui va vite dévoiler ses multiples visages. Si tout commence dans la moiteur d’une Floride sauvage et mystérieuse, les éléments traditionnels du Southern Gothic ne tardent pas à émerger des eaux boueuses du Styx. Le macabre et le surnaturel s’immiscent alors dans un récit qui, jusqu’au bout ou presque, peut être lu comme un polar choral qui passe d’un personnage à un autre avec un sens du rythme parfaitement maîtrisé. Aux Larkin s’ajoute ainsi toute une galerie de personnages que McDowell dépeint souvent en quelques paragraphes seulement – quelques paragraphes qui lui suffisent pourtant à les faire exister.

Le roman rebondit donc d’une scène horrifique à une autre et l’on ressent le plaisir que l’auteur a dû éprouver à écrire ces passages parfois à la limite du grand-guignol. On devine presque le sourire de McDowell qui s’amuse beaucoup – et nous avec – à malmener certains de ses personnages.

L’humour macabre du romancier s’accompagne également d’un sens de l’observation qui fait de cette Lune froide sur Babylon une savoureuse chronique satirique d’une petite ville américaine où le mal se cache derrière une apparente tranquillité. Tout semble paisible à Babylon. Pourtant la violence est là, larvée le plus souvent, et les sourires dissimulent eux aussi des pensées parfois malveillantes…
Lune froide sur Babylon est donc une nouvelle preuve de l’immense talent de Michael McDowell, assurément l’un des maîtres de l’horreur gothique. Stephen King lui-même a bien souvent loué les talents de McDowell. On ne peut donc que saluer et remercier les éditions Monsieur Toussaint Louverture qui nous offrent enfin l’occasion de découvrir cette œuvre passionnante.

Grégory Seyer

Lune froide sur Babylon
Un roman de Michael McDowell
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par G. Coisne et H. Charrier
Editeur : Monsieur Toussaint Louverture
440 pages – 12,90 €
Parution : 4 octobre 2024