Petit aperçu de la musique microtonale (en complément de l’interview de Midget)

Comme le dit Mocke dans l’entretien qu’il a accordé à Benzinemag, en compagnie de Claire Vailler, à l’occasion de la sortie du quatrième album de Midget! : La Microtonalité, c’est une vieille expérimentation. On a demandé au guitariste de nous éclairer sur ce courant musical à travers une sélection qu’il a concoctée tout exprès pour vous.

Le choix de Mocke :

C’est mon amie Delphine Dora qui m’a fait découvrir Easley Blackwood que j’ai écouté en boucle pendant des semaines.

Je trouve les quarts de ton particulièrement déchirants sur cette pièce

 

Mais c’est quoi le Microtonalisme, la Microtonalité ?

Si l’on doit le résumer à l’échelle d’un courant ou d’une école musicale, c’est un mouvement qui a émergé à la fin du XIXème siècle et qui s’est répandu jusque dans les années 70 du siècle suivant. C’est sans aucun doute Ferrucio Busoni qui en a théorisé les principes et ce, dès 1907, suivi du futuriste Luigi Russolo en 1913.

Pour faire simple, quels sont ces principes ?

La gamme tempérée est divisée en douze demis-tons, les compositeurs pré-cités mais aussi des créateurs comme Charles Ives explorèrent des divisions de l’octave en tiers, quart, cinquième de ton jusqu’au seizième de ton. Cette musique microtonale utilise donc des intervalles de notes plus petits que ceux utilisés dans la musique tonale standard. On appelle ces intervalles de notes plus petits des micro-intervalles.

Le choix de Mocke :

Charles Ives est un compositeur fascinant. Son « unanswered question »est une de mes œuvres préfères tous genres confondus. Et il est aussi incroyablement en avance sur son époque , comme le prouve cette pièce microtonale du début du 20eme siècle.

Parmi ces créateurs d’un atonalisme nouveau, il faudrait bien sûr mettre en avant l’autrichien Arnold Schönberg qui a été parmi les premiers à travailler cette matière inédite. Lui-même rejetait le terme d’atonalité pour décrire son répertoire, pourtant force est de reconnaître dès les premières partitions, sa Verklärte Nacht ( La Nuit Transfigurée) (1899) en particulier un jeu avec le chromatisme et une destruction de la tonalité.

Il faudra insister ici sur ce qui est et restera la dernière démarche révolutionnaire dans le monde musical occidental.

Le choix de Mocke :

J’aime tout spécialement cette pièce du grand Harry Partch qui m’évoque une ville en train de s’enfoncer dans les marais.

C’est sans aucun doute le compositeur américain Harry Partch qui poussera le plus loin cette réflexion sur le microtonalisme avec la création d’instruments microtonaux. D’autres musiciens s’engouffreront dans cette voie amorcée par Schönberg et Partch, citons La Monte Young, Ben Johnston, John Cage, György Ligeti, Derek Bailey ou encore Gavin Bryars.La musique microtonale connaît aux États-Unis plusieurs écoles et approches, dérivées de l’influence de musique traditionnelle américaine, de musique européenne ou orientale et extrême orientale.

Le choix de Mocke :

Pour illustrer le fait que les quarts de ton sont l’ordinaire de la musique orientale, je ne résiste pas au plaisir de partager cette fabuleuse video de Farid Al-Atrash que tous mes amis connaissent.

Son solo de Oud inaugural me soulève littéralement de terre.

Mais on ne peut limiter cette expérimentation au seul regard occidental. Cette notion de microtonalisme, on la retrouve infiltrée dans toutes les musiques du monde du Gamelan Javanais au monde arabe. Prenons l’exemple de la musique traditionnelle turque qui utilise une échelle de notes nommée Makam, faisant appel à ces micro-intervalles, un peu à l’image de cet instrument, le qanun, cette cithare sur table très présente dans la musique du monde arabe.

Le choix de Mocke :

Ben Johnson est un des grands explorateurs de la micro tonalité.

C’est incroyable les horizons qu’il ouvre avec ce piano altéré et cette composition majeure.

Certains perçoivent dans cette démarche microtonale comme une forme d’impasse créative du Xxème siècle quand d’autres, au contraire, y perçoivent encore l’émergence d’un monde inconnu à découvrir. C’est un peu cela que l’on entend dans Qui Parle Ombre mais aussi dans Ferme Tes Jolis Cieux, les deux derniers disques de Midget!, un tâtonnement dans l’incertain, un déplacement à la fois indocile et tranquille dans les matières mouvantes mais passionnantes d’une microtonalité, à mi-chemin de la dissonance et du silence.

Même si comme le dit Mocke dans notre entretien, le lien reste ténu entre le microtonalisme et Midget, on en perçoit quand même quelques traces sur Qui Parle Ombre de Midget!,toujours disponible chez Objet Disque.

Retrouvez notre entretien avec Midget! (Claire Vailler et Mocke) ICI et ICI

Ci-dessous une petite sélection suggestive concoctée par mes soins de ce courant à la fois passionnant et déroutant.

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