À la fois biographie et essai, Vous êtes l’amour malheureux du Führer se présente comme une fascinante réflexion sur l’Histoire, et la manière dont Albert Speer, l’architecte d’Hitler, l’a détournée en sa faveur.
Derrière ce titre énigmatique, on découvre la personnalité d’Albert Speer (1905-1981), un homme connu pour avoir été architecte durant le troisième Reich, et être devenu un proche d’Hitler qui le nommera « ministre de l’armement » durant la seconde guerre mondiale. Comme beaucoup de responsables nazis, Albert Speer comparaitra, après la guerre, au procès de Nuremberg, mais échappera à la peine de mort pour avoir reconnu sa responsabilité d’un point de vue collectif mais pas individuel. Il passera tout de même 20 ans en prison et connaîtra un certain succès grâce à la publication de ses mémoires dans un livre intitulé Au cœur du Troisième Reich qui deviendra un best seller en Allemagne notamment.
Il fallait bien un livre pour raconter le parcours quelque peu singulier de cet homme à l’histoire très controversée. C’est ce que s’est employé à faire Jean-Noël Orengo, dans un récit en deux parties. La première partie raconte l’ascension du personnage, décrivant un homme ambitieux, extrêmement malin et manipulateur, et comment il a su se faire une place de choix auprès d’Hitler. A partir du moment où ils se rencontrent en 1933, Albert Speer ne cessera de monter dans l’estime du Führer, faisant de chacune de ses entreprises, un succès, répondant toujours aux attentes d’un chef d’État dont les rêves en matière d’architecture étaient sans limite.
La deuxième partie du livre évoque l’après-guerre, et notamment comment Speer est passé du statut du criminel de guerre, à celui de star médiatique, parvenant à s’adapter à son époque et à son auditoire, faisant de ses mémoires, un succès de librairie incroyable, et au passage, détournant l’Histoire à son avantage, comme pour se racheter une virginité et une bonne conscience.
À la fois biographie et essai, Vous êtes l’amour malheureux du Führer se présente comme une fascinante réflexion sur l’Histoire et sur la manière dont certains anciens dignitaires nazis se sont arrangés avec la vérité, comme ce fut le cas avec Albert Speer. Plus largement, le livre interroge sur le fait qu’une partie de la société allemande ait pu accepter une version trafiquée de l’Histoire, avec autant de facilité… avec, comme souvent, au final, la question : à qui appartient la vérité historique, et comment la protéger ?
Benoit RICHARD