Âgé de 86 ans, Hermann livre le 41e tome de Jeremiah, sa série culte. Est-ce bien raisonnable ?
Hermann Huppe est un très grand et très vieux monsieur de la bande dessinée franco-belge. Le créateur de Bernard Prince, de Comanche ou des Tours de Bois-Maury a enchanté ma jeunesse. Créée en 1979, Jeremiah est sa plus longue série.
Dans un monde post-apocalyptique livré à la barbarie, Jeremiah et son pote Kurdy tentent de survivre. Au fil des tomes, le gentil et naïf blondinet a pris de l’assurance. Le tandem joue désormais les redresseurs de torts.
Que dire ? J’avoue avoir aimé Jeremiah, les vingt premiers tomes étaient même souvent très bons. Hélas, le scénario du tome 41 est confus à souhait et le dessin, qui abuse des effets de brume grisâtre, n’aide pas le lecteur égaré à se repérer dans l’intrigue. Chargés de livrer un mystérieux étui, nos héros découvrent une petite ville soumise aux caprices de deux frères psychopathes. Les villageois sont terrorisés, les nervis des parrains locaux tuent sans pitié les récalcitrants. Ce pitch est, peu ou prou, la trame de tous les derniers albums.
Jadis éblouissant, le trait d’Hermann a perdu de sa superbe. Les visages sont inégaux, les décors minimalistes, mais les gueules des seconds rôles sont travaillées, l’atmosphère reste bien rendue et l’ensemble demeure agréable à lire.
Dans un style très différent, il rappelle le 31e et dernier album de Yoko Tsuno, une autre série interminable, dont le créateur, Roger Leloup, vient de fêter ses 90 ans. La vieillesse n’est donc pas toujours un naufrage, car si la créativité et dessin se sont émoussés, Leloup et Hermann partagent le même amour de leur métier et la volonté de poursuivre. C’est honorable, même si le néophyte privilégiera les anciens albums.
Stéphane de Boysson