Dans Pick Up, la production des Limiñanas habille d’élégance sonore le travail de Brigitte Fontaine. Pour un album entre tribut payé aux grands de la chanson française et iconoclasme musical.
Certains retours sur le dernier album de Brigitte Fontaine ont feint de s’étonner que l’artiste soit toujours rebelle – terme galvaudé – à son âge. Alors qu’elle avait fait un album plein de saturation appuyant à fond et en même temps sur la pédale de la radicalité du propos et celle d’un sens très seventies de la farce… il y 4 ans !
Brigitte Fontaine a toujours été militante mais pas totalement affiliée à une chapelle. A l’image de sa longue carrière avec ses réussites, ses albums ratés avec des morceaux à sauver, ses albums intéressants aux arrangements datés, ses albums avec à boire et à manger… Mais une singularité jamais abandonnée même si elle ne suscitait pas toujours l’adhésion.
Les Limiñanas se chargent cette fois de la production de Pick Up, habillant d’élégance l’iconoclasme de Fontaine. Certes, le texte ne convainc pas toujours. Neuf Trois a quelque chose d’une version poétique du constat fait en son temps par Suprême NTM. Mais qui oublie que la part de boboïsation de la Seine Saint-Denis a complexifié la réalité. Les Animaux est dans la très tendance célébration des animaux par rapports à ces ordures d’êtres humains coupables de tous les crimes de l’univers. Et rien de moins original qu’un morceau écolo en 2024 (Le Beau temps). Oui mais… le premier et le troisième font partie des sommets musicaux de l’album. Mélange réussi de New Wave et de musique chaâbi dans un cas. Musique chaâbi et beat hypnotique dans le second.
A l’inverse, Cantilène est musicalement presque académique mais réussi côté texte. Du talk over sur des arrangements Gainsbourg période Swinging London. Pas très loin d’une idée officielle et reconnue de la grande chanson française donc même si le morceau est bon. Heureusement, la conscience de l’approche de la mort rend le morceau quand même émouvant. On peut néanmoins préférer un Embrassons-nous subvertissant en partie la même influence musicale.
L’ombre de Bashung rode aussi sur certains morceaux. La batterie de Mariage (2) évoque le versant noir de The Cure mais on serait plutôt du côté de Bashung essayant de faire son album New Wave avec Play Blessures. Comme il est tard évoque quant à lui Samuel Hall. Crack Boom Crack est de son côté un morceau résumable par tentative de faire quelque chose à la Paint it black. Pour n’avoir rien à voir au final. Et l’arrivée du piano en contrepoint de Sac d’os rappelle que Fontaine fait partie des artistes de l’hexagone doués pour mettre en scène un morceau avec le son.
Encore une fois, savoir si l’album est, ou pas, une réussite majeure ne compte pas. Brigitte Fontaine a été là où on l’attend, et là où ne l’attend pas. Tant mieux.
Ordell Robbie