Deuxième roman de l’Australien Gabriel Bergmoser, L’Héritière est un thriller efficace et nerveux dans lequel Maggie, une jeune femme pourchassée par de dangereux criminels, est contrainte de remonter la piste de sa propre histoire et de celle son père, un flic déchu et violent.
Déjà remarqué avec La Chasse, son premier roman traduit en français, Gabriel Bergmoser pourrait bien devenir l’une des valeurs sûres du thriller d’action avec L’Héritière, un roman brutal et dont le rythme effréné rappelle souvent la construction narrative de certaines séries. Le récit démarre sur les chapeaux de roues avec une scène d’introduction d’une grande violence émotionnelle et Bergmoser maintient ce tempo très soutenu tout au long des 270 pages du livre.
L’Héritière, c’est Maggie, une jeune Australienne qui s’est installée dans le nord du pays. Elle y mène une vie paisible, discrète et tranquille, bien loin de la violence qu’elle a connue plus jeune. Abandonnée par sa mère, battue par son père, un ex-flic alcoolique, Maggie a grandi dans des foyers ou des familles d’accueil. Bientôt rattrapée par les problèmes et son passé, Maggie va devoir revenir à Melbourne afin de mettre la main sur son héritage, en l’occurrence un disque dur sur lequel son père aurait laissé, avant de mourir, deux informations capitales : l’identité du tueur en série qu’il a pourchassé pendant des années et des renseignements sur la mère de Maggie. A partir de ce point de départ, assez convenu, Gabriel Bergmoser va construire un thriller qui tient autant de la quête que de la course poursuite. Car si Maggie s’efforce pendant une grande partie du livre de mettre la main sur le disque dur (classique MacGuffin d’un récit d’action), elle doit dans le même temps tenter d’échapper à une triple menace : la police, des gangsters sans pitié et des bikers particulièrement dangereux.
Personnage ambivalent, Maggie est une jeune femme brisée par une enfance douloureuse. Si elle n’aspire qu’à mener « une vie normale » (l’expression revient régulièrement dans le roman), elle contient en elle une violence qu’elle ne peut pas toujours contenir et qui – il faut bien le reconnaître – lui permettra plusieurs fois d’échapper à ses poursuivants. Si L’Héritière fonctionne selon les règles bien établies du thriller (chapitres courts, rythme soutenu, cliffhangers réguliers), le roman étonne plusieurs fois par sa violence extrême. Bergmoser ne recule devant rien et il agrémente ses scènes d’action de détails particulièrement brutaux, parfois même à la limite du gore.
L’Héritière multiplie donc les périls et progresse à coups de retournements de situation. Si les ressources donc fait preuve Maggie surprennent parfois, si certains ressorts narratifs manquent par endroits de vraisemblance, le roman se lit avec plaisir. En effet Gabriel Bergmoser cherche avant tout à (re)dynamiser un genre littéraire (le thriller) en lui injectant un cocktail fortement vitaminé. Et ça fonctionne plutôt bien.
Au centre de cet univers brutal et dangereux, Maggie s’impose comme une héroïne d’autant plus intéressante qu’elle ne cesse de réfléchir à son propre rapport à la violence. Enfant maltraitée, elle n’a jamais connu ni amour ni véritable affection de la part de ceux qui ont croisé sa route. Dans les interstices de son récit – qui ne dévie pour autant jamais de sa trajectoire –, Bergmoser s’efforce ainsi d’insérer des passages plus introspectifs au cours desquels il analyse le rapport de son personnage à l’amour filial. Comment se construire quand on n’a connu que la dureté et les coups ? Et dans la dernière partie du roman, cette réflexion se complexifie même lorsque Maggie rencontre un personnage qui a fait des mauvais choix parce qu’il n’a pas su comprendre l’amour de son père – à moins que ce ne soit son père qui n’ait pas su lui montrer son amour…
Thriller classique qui ne révolutionnera pas le genre, L’Héritière n’en constitue pas moins une lecture agréable, justement parce qu’il accepte et revitalise les codes du récit d’action, et qu’il parvient en plus à construire une héroïne suffisamment complexe pour nous intéresser jusqu’au bout.
Grégory Seyer