Blizzard, le premier roman de Marie Vingtras paru en 2021 raconte une histoire qui tourne au drame dès la première bourrasque de neige, dès la première page. Un roman noir. Un vrai !
Marie Vingtras est le nom de plume (inspiré du pseudo d’une féministe du XIX°) d’une avocate bretonne, amoureuse de la littérature américaine à laquelle elle emprunte codes et références.
On parle beaucoup cette année de son livre « Les âmes féroces » (chroniqué ici-même) qui concourt aux prix (il a d’ailleurs reçu le prix Fnac).
On a donc voulu jeter un oeil sur son précédent et premier roman : « Blizzard », paru en 2021, réédité en poche l’an passé, et lui aussi couronné de plusieurs prix.
Quelques chalets perdus au fin fond de l’Alaska en plein hiver. Une femme et un enfant dans le blizzard. Le temps de quelques secondes, elle lâche la main de l’enfant et le voici qui disparaît dans la tempête.
On part à sa recherche, le temps est compté, on ne survit pas longtemps dans ce froid.
Pourquoi était-elle sortie avec l’enfant ?
« […] J’ai vu que les bottes du petit n’étaient pas là et que leurs vestes n’étaient plus accrochées au porte-manteau. J’ai compris qu’elle était sortie avec lui, alors que même une fille aussi spéciale qu’elle aurait dû savoir qu’on ne sort pas dehors en plein blizzard.
[…] Alors on avait du souci à se faire. Il a tout juste dix ans, le môme, et l’autre, elle a pas deux sous de jugeote.
[…] Un gosse et une bonne femme perdus dans le blizzard, autant que je m’en souvienne, c’était pas encore arrivé. »
Dans ses deux romans, Marie Vingtras soigne tout particulièrement son casting.
Il y a bien sûr le petit, celui qui disparaît dans le blizzard dès la première page.
Et Bess la jeune femme qui a lâché l’enfant. Elle a peut-être un petit grain.
Benedict l’homme, le parent du môme.
Cole et Clifford les rares voisins avec Freeman, un black, vétéran du Vietnam.
Ici, tous cherchent à fuir un trop lourd passé chargé de fautes irréparables, chacun a perdu un proche, un frère, un fils, une sœur.
« […] La vérité, c’est qu’on était bien tranquilles jusqu’à ce que Benedict revienne avec la fille et le môme, et là, c’est sûr, ça a un peu remué les choses. On pouvait plus tout à fait ignorer qui on était, et tant pis pour les autres. »
Encore un roman choral fait de très courts chapitres qui donnent la parole tantôt à l’un, tantôt à l’autre.
Un récit en spirale qui, à chaque tour de roue, nous approche un peu plus de la vérité de l’un ou du passé d’un autre : peu à peu, les mystères se dévoilent et les non-dits s’éclairent, rien ne va plus.
Une construction que Marie Vingtras reprendra dans son second roman, « Les âmes féroces ».
« […] Quelquefois le poids des secrets est si lourd qu’on ne sait même plus comment s’en débarrasser sauf en disparaissant avec eux. »
En dépit de la blancheur de la neige et du blizzard, c’est un roman noir, bien noir. Une histoire qui sent le drame, où tout est réuni dès le début pour que ça finisse très mal, un décor oppressant et des personnages aux secrets enfouis qui attendent d’être révélés. Quitte à ce que cette mise en scène paraisse un peu factice, presque déshumanisée, comme celle d’une tragédie grecque.
Bruno Ménétrier