François Ruffin invite l’avocate réac’ et médiatique Sarah Saldmann à travailler une semaine aux côtés des Français qui se lèvent tôt. En découle un documentaire à la fois drôle et édifiant sur la rencontre entre deux mondes aux antipodes.
C’est un voyage en terre inconnue que nous propose François Ruffin dans son nouveau film documentaire Au boulot !. Ce voyage, c’est celui qu’effectue Sarah Saldmann, avocate d’influenceurs, mais surtout connue comme chroniqueuse sur CNews et dans Touche pas à mon poste. Et comme le précise sa page Wikipédia, elle serait l’objet d’une procédure disciplinaire de la part du barreau de Paris pour ses multiples manquements aux obligations déontologiques.
Voilà, vous avez le personnage, maintenant le contexte : en janvier 2023, lors de l’émission Les grandes gueules sur RMC, elle fustige comme à son habitude les chômeurs, les assistés, ceux qui se plaignent de ne pas pouvoir s’en sortir avec 1300 € par mois. François Ruffin, présent sur le plateau, lui propose alors d’aller vivre pendant trois mois avec 1300 €. Finalement, elle accepte de le suivre dans la France des travailleurs durant une semaine.
Et c’est ainsi que Sarah découvre le monde du travail, celui des gens qui se lèvent tôt pour gagner trois fois rien. Durant une semaine, Sarah va s’exercer à différents métiers comme stagiaire. On va la découvrir dans « Sarah sert dans un restaurant », « Sarah installe la fibre », « Sarah joue au foot dans une équipe féminine », « Sarah devient aide à domicile », etc… Tout ça sous l’œil amusé de François Ruffin et de son habituel complice cameraman Gilles Perret.
Tout à coup, on a l’impression de se retrouver dans un épisode de Strip-tease, la célèbre série documentaire de France 3 , tournée dans les années 90, mettant souvent en scène des personnages singuliers, hors-sol, ou complètement déconnectés du monde. C’est le cas de Sarah, qui découvre parfois avec le regard d’un enfant la vie pas facile du Français moyen. C’est à la fois drôle et affligeant.
La dame se prête au jeu bien volontiers, acceptant de faire toutes les tâches qui lui sont demandées, même les plus ingrates, donnant l’impression de ressentir de l’empathie pour celles et ceux qu’elle va côtoyer chaque jour. Et puis, une fois que la citrouille est redevenue carrosse, que la dame retrouve son costume de grande bourgeoise déshumanisée, elle déverse à nouveau tout son mépris vis-à-vis d’un monde qu’elle ne comprendra finalement jamais, dans les émissions où elle a son rond de serviette… comme si de rien n’était.
Et puis finalement, le périple provincial du duo Ruffin / Saldmann va tourner court, surtout pour Sarah après des déclarations à l’antenne à propos de Gaza, jugées irrecevables par Ruffin, qui décide de l’éjecter du projet.
De ce documentaire, à la fois, drôle et émouvant, on préférera retenir avant tout ces rencontres à travers la France, auxquelles nous a déjà habitués Ruffin dans ses précédents films (Merci patron !, J’veux du soleil et Debout les femmes !), ces discussions avec des travailleuses et des travailleurs salariés ou bénévoles, racontant la dureté de leur quotidien, la difficulté de joindre les deux bouts, les vies abimées par le chômage, les problèmes physiques et la nécessité pour eux d’exister au sein de la société, même à travers un petit boulot ou du bénévolat.
On n’oubliera pas pour autant le personnage de Sarah Salmann qui fait preuve de beaucoup maladresse et de bêtise durant le film, par ses remarques déplacées, par son absence de recul, son indifférence et sa difficulté à admettre ce qu’elle voit chaque jour durant son « expérience » ; et aussi son incapacité à remettre en cause son statut d’ultra-privilégiée, avouant à moment donné, avec un peu tristesse, qu’elle n’est qu’une femme de la classe moyenne chez les riches.
Si Ruffin a réussi son coup, essayant de pousser plusieurs fois la bourgeoise dans ses retranchements, de lui faire admettre une certaine vacuité dans son existence – en vain -, de lui montrer ce que ces gens-là sont vrais et ne sont pas des profiteurs, il a aussi permis de donner la parole à cette France précaire, qui se bat chaque jour pour essayer de vivre dignement… bien loin des éternels clichés ressassés sans cesse dans certains médias, notamment par Sarah Saldmann, sur une France de profiteurs et d’assistés.
