Dans la foulée d’un album ayant dérouté une partie des fans de la première heure, les Fontaines D.C. se produisaient dans un Zénith parisien à guichets fermés. Pour un concert tirant sa réussite de ses va-et-vient entre l’ancien et le nouveau.
Avec Romance, les Fontaines D.C. auront donc provoqué un schisme parmi leurs fans avec un album lorgnant vers le mainstream rock des années 1990 et souhaitant sortir le groupe du carcan post-punk. Désir compréhensible, car je suis en partie las de voir le Rock indépendant d’Outre-Manche ne pas quitter cette station-là. Le résultat final a été en partie attaqué comme « l’album Coldplay » du groupe (ou plutôt : « Coldplay post-virage Rock de stade »). Reproche que je ne partage pas en dépit de quelques arrangements tape à l’oreille. En revanche, les textes semblent avoir été écrits en touriste. J’ai été en effet navré de voir que deux de mes totems cinéphiles des années 1980 (Akira, Rusty James) ont inspiré des textes aussi plats que ceux de (respectivement) In the Modern World et Motorcycle Boy.
Ce concert du Zénith archi-complet, baptême de feu live avec le groupe me concernant, est l’occasion de confronter l’ancien et le nouveau Fontaines D.C.. Et ce d’autant plus que le set sera composé de façon quasi-paritaire de morceaux de Romance et de morceaux extraits du brelan d’albums Dogrel / A Hero’s death / Skinty fia. Que l’on me pardonne car des obligations professionnelles m’ont fait rater Wunderhorse, première parte dont Eric disait du bien par ici.
Viennent donc les Fontaines D.C.. Le groupe joue Romance planqué derrière un rideau. Qui tombera un peu avant la fin du morceau. Jackie Down the Line, un des meilleurs titres de Skinty Fia, suit. Un enchainement brutal comme le freinage d’une rame du métro parisien aux heures de pointe. D’un côté, une ballade doucereuse avec quelques effets sonores clinquants. De l’autre, l’ombre de The Cure, des Smiths et des Stone Roses mélangée à un peu de gouaille prolétarienne.
Le concert est lancé. Il mariera l’ancien et le nouveau de façon nettement plus harmonieuse. Pop et raideur post-punk alternent régulièrement. Le tout avec un light show éclairant une réplique du cœur de l’horrible pochette de Romance ainsi qu’un Fontaines D.C. écrit dans le lettrage atroce de la même pochette. Heureusement, il y a Grian Chatten qui s’est trouvé scéniquement. Moments émotionnellement impliqués micro en main, instants de statisme façon Liam Gallagher, cent pas comme un adolescent qui s’ennuierait, bras écartés pour jouer les chauffeurs de salle… Ou comment bien se bricoler un jeu de scène.
Juste avant le rappel, le groupe enchaine son Boys in the Better Land inaugural avec Favourite du dernier album. Deux extrêmes – le post-punk encore sous influence The Fall, la ballade pop – dont la mise côte à côte semble plus naturelle que celle des deux morceaux d’ouverture. Le rappel commence par le hors d’œuvre In the modern world avant un doublé en forme d’équivalent pour le groupe de la paire Satisfaction /Jumpin’ Jack Flash de fin de pas mal de concerts stoniens : le double Everest I Love You / Starbuster. D’un côté, du U2 période musicalement encore fréquentable avec quelques arpèges à la Johnny Marr. Et un texte de rapport d’amour / haine à la Mère Patrie proche dans l’esprit de ce qu’ont pu faire le Moz et le Boss sur ce thème-là. De l’autre, intonations vocales à la Liam Gallagher, débit proche du hip hop, intermède beatlesque et pauses avant de réappuyer sur l’accélérateur. Et après ça : rideau.
Romance incarne à la fois une rupture bienvenue et le danger d’une perte de singularité. Mais sur la scène du Zénith, les Fontaines D.C. ont été professionnels dans le bon sens du terme. Celui qui n’est pas synonyme de pilotage automatique dépourvu d’émotion.
Texte: Ordell Robbie.
Photos : Cédric Rizzo