« Nostromo », de Maël : l’or et la révolution

Pour le centième anniversaire de la mort de Joseph Conrad, Maël scénarise et dessine une très belle adaptation du célèbre roman.

Nostromo - Maël
© 2024 Maël / Futuropolis

Après un cycle inspiré de sa vie de marin, Joseph Conrad propose avec Nostromo une fiction située au Costaguana, un état sud-américain imaginaire. Ce riche, ambitieux et âpre roman est publié en 1904.

Nostromo - MaëlLa première partie pose le décor en multipliant les personnages et les focales. Depuis son indépendance, le pays a connu une succession de coups d’État. Sulaco pourrait être une province paisible et excentrée, si la mine d’argent de Don Carlos, un colon d’origine anglaise, n’était l’objet de toutes les convoitises. L’affaire appartient à des financiers californiens, l’impérialisme anglo-saxon succède à la lointaine tutelle espagnole. Or, le président déchu et les généraux putschistes ont besoin d’argent, la guerre se rapproche. Après un saut dans le temps, la seconde partie s’attachera au seul Nostromo et au trésor.

Conrad alterne les scènes épiques et les combats intérieurs. Tourmentés, ses personnages sont amenés à faire des choix malheureux ou tragiques. Objectivement pessimiste, la morale pourrait être que l’argent rend fou et corrompt tout.

Contraint d’élaguer dans les intrigues, le scénario de Maël se concentre sur la vie à Sulaco, sur sa mine et ses principaux personnages. « El capataz de cardadores », littéralement le contremaitre des dockers, Nostromo est un tantinet hâbleur et, du moins dans un premier temps, intègre et courageux. Héros populaire, ce simple marin italien a su gagner la confiance des maîtres de la cité, sans perdre le respect des péones. Don Carlos le choisit pour mettre à l’abri son trésor.

Maël est un dessinateur classique qui allie un trait fin, précis et élégant à l’encre de Chine à de doux lavis réhaussés d’aquarelles. Son pays est pauvre, sa chaleur accablante, sa terre rude et ses paysans miséreux. Malhonnêtes et violents, ses généraux et gouverneurs plastronnent. Riches et beaux, Don Carlos, son épouse et le jeune Martin semblent épargnés par la décomposition du pays. Nostromo, le personnage le plus complexe, associe la nonchalance de Blueberry, la morgue de Henry Fonda dans Il était une fois dans l’Ouest, à l’orgueil d’un hidalgo désargenté.

Le huis clos nocturne dans la gabarre, le tournant du roman, est admirablement rendu. Perdus sur l’eau avec Nostromo et Martin, nous tentons fiévreusement d’interpréter les bruits et les ombres. Vivement la suite et la fin.

Stéphane de Boysson

Nostromo, tome 1
Scénario et dessin : Maël, d’après Joseph Conrad
Éditeur : Futuropolis
128 pages – 24 €
Date de parution : 21 août 2024

Nostromo, tome 1 — bande annonce :

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