L’autrichienne Mira Lu Kovacs reste encore méconnue en France. Avec Please Save Yourself, son second album solo, un peu atone, qui fait suite à une déjà riche carrière en collaboration, elle devrait rencontrer un public plus large pour.
A quoi bon créer si on n’entre pas dans un état d’urgence ? Pourquoi se présenter face aux autres si ce que l’on exprime ne dit rien de nous, ne dit rien de singulier ? Pourquoi proposer encore et encore une matière sans aspérité et sans folie ? Pourquoi ne rester qu’à la surface des choses ? Pourquoi être inoffensif et presque dérisoire quand on pourrait être péremptoire ? Pourquoi garder en dedans ce que l’on sent précisément présent mais comme éteint ?
C’est un peu cela que l’on ressent à l’écoute de Please Save Yourself, le second disque solo de l’autrichienne Mira Lu Kovacs. On sent une puissance latente, une force utérine, une souplesse intérieure mais tout cela reste tapi sous la surface. On sait pourtant très bien à l’écoute de l’instrumental Hoffnung Angst Angst Hoffnung au centre du disque que l’on tenait peut-être là un grand disque mais qu’il a préféré rester maturer dans son oeuf. Il ne reste de cette écoute que peu de choses, une suite de chansons prévisibles portées par une voix pourtant magnifique. Ce ne sont pourtant pas les effets de manche qui viennent parasiter l’écoute, l’autrichienne préférant à des envies orchestrales et des arrangements soyeux un minimalisme de bon aloi. C’est un peu comme si l’on écoutait la PJ Harvey des débuts sans la rage et sans doute sans le génie, sans la noirceur, sans la folie, sans la transgression et la régression, sans la sauvagerie. On a surtout l’impression d’entendre une artiste qui s’écoute sans doute trop chanter.
Ce n’est pas mauvais, loin de là mais cela n’apporte pas grand chose à la cause Pop. Car il s’agit bel et bien de Pop. La demoiselle travaille les formules couplets/Refrain avec régularité. Ce qui nuit sans doute à la qualité de la narration, c’est le choix de concision que fait Mira Lu Kovacs, la plupart des chansons n’excède pas les 3 minutes 30 et sans doute que si la dame avait poussé plus loin son raisonnement, les titres en seraient sortis plus équilibrés. Le titre le plus fort du disque est aussi le plus long, I Care For You nous donne raison avec ce lent effeuillage et cette description sur le fil. Mira Lu Kovacs parvient là à se montrer changeante, versatile et caractérielle plutôt que cette évanescence dans laquelle elle prend son talent en otage. Sans doute que Mira Lu Kovacs devrait être moins timide dans son processus de composition et accepter de boiser ses arrangements. Avec une voix expressive comme la sienne, elle pourrait être une réponse aux joyaux sublimes de l’américaine Jessica Pratt.
On n’entre jamais totalement dans Please, Save Yourself. On reste toujours à l’entrée à contempler toute cette joliesse, à ne jamais pleinement se sentir concernés. C’est pourtant dans les formes les plus fragiles que l’on sent un potentiel magnétique chez elle comme sur Save Yourself un titre très Cat Powerien période What Would The Community Think (1996). On sent chez Mira Lu Kovacs un immense background musical qui court du Jazz à la musique contemporaine en passant par une Pop complexe. C’est peut-être de là que vient cette indécision que l’on ressent à l’écoute de ce disque tiède, elle ne sait jamais choisir et s’éparpille un peu et nous perd au passage.
Pop, soyeux et suaves sont les mots clés qui nous viennent à l’esprit à l’écoute de Please, Save Yourself. On sent trop son envie d’efficacité et les choses sont trop bien ordonnées comme un cahier des charges que l’on respecterait. Pourtant, assurément, il y a quelque chose chez cette jeune femme dont on n’a pas fini d’entendre parler. Retenez son nom, Mira Lu Kovacs. Laissons-lui juste le temps de s’épanouir et d’enfin déployer ses ailes.
Soyons patients…
Greg Bod