Clap de fin pour l’esthétique diptyque beatnik dans le milieu de la sorcellerie US West Coast, qui hélas ne tient pas toutes ses promesses, avec une pauvre héroïne rousse qui, ne sachant plus à quel saint se vouer, risque l’enfer…
Alors que l’enquête sur les jeunes femmes retrouvées assassinées dans un parc de San Francisco piétine, Kimberly Tyler reste persuadée que Yeval est dans le coup. Pour la jeune inspectrice, le gourou sataniste est un beau parleur qui prend plaisir à jouer au chat et à la souris, et à l’évidence, il en sait plus qu’il ne veut bien le dire. Si les apparences jouent contre lui, Tyler devra toutefois se montrer plus circonspecte… Dans ce type d’affaire, ce n’est pas forcément l’habit qui fait le moine !
Même si c’est un peu à contrecœur, je dois l’admettre, la seconde partie de ce diptyque est une déception. La fin du premier volet m’avait pourtant laissé dans de bonnes dispositions, mais celles-ci se sont quelque peu effilochées à la lecture.
Tout d’abord, on ne reviendra pas sur la qualité du dessin, et c’est assurément le point fort d’American Parano. L’atmosphère du San Francisco des sixties est toujours aussi plaisante, et on continue à prendre plaisir à admirer le trait moderne et stylisé de Lucas Varela, agrémenté d’une bichromie à dominante rouge terracotta et bleu horizon. Alors forcément, on se demande pourquoi ça n’a pas aussi bien fonctionné qu’avec Le Labo, la précédente collaboration des auteurs, réjouissante comédie vintage sur la genèse des ordinateurs individuels.
Car en effet, l’ouvrage pêche davantage par son scénario. Celui-ci s’essouffle assez vite, à l’image de l’enquête de Kimberly Tyler qui piétine… L’intrigue a tendance à partir un peu dans tous les sens, avec moult détails qui, s’ils tentent probablement de restituer une certaine réalité de l’époque, ne paraissent à première vue ni vraiment indispensables ni significatifs. Au fil des pages, les personnages ont l’air de se comporter de manière automatique, y compris Kimberly qui apparaît de moins en moins concernée par son affaire et qui pourtant s’était montrée potentiellement attachante dans le premier épisode, du fait de sa personnalité bien campée. Alors certes, cette froideur peut être en partie due à la ligne claire, qui, si séduisante soit-elle, demeure un peu lisse.
On évitera d’enfoncer le clou avec ce dénouement qui sombre assez platement dans le grand-guignol, et cette révélation finale, un brin incongrue, sur le passé du père de la jeune enquêtrice, qui, on l’imagine, aurait dû nous arracher une larme. L’impression qui domine est qu’Hervé Bourhis semble avoir lâché en cours de route son axe narratif. Malgré un certain potentiel, il survole le sujet et retombe assez vite dans le clichetonneux et le superficiel. Mes attentes concernant ce deuxième chapitre étaient-elles trop fortes pour ma part ? Par tous les diables, c’est loin d’être impossible !
PS : n’oublions pas tout de même l’excellente playlist aux odeurs de marijuana proposée par Bourhis (qui comme on le sait est érudit en la matière – je parle bien sûr de musique ! -> à lire à ce sujet son récent opus Mon infractus, chroniqué sur Benzine)
Laurent Proudhon
American Parano, tome 2 : Black House
Scénario : Hervé Bourhis
Dessin : Lucas Varela
Editeur : Dupuis
64 pages – 16,50 €
Parution : 30 août 2024
American Parano, tome 2 : Black House — Bande annonce :