Dans le roman Cellule dormante, Christian Lecomte décrivait le parcours rocambolesque et malchanceux d’un adolescent, terroriste malgré lui. Jean-Philippe Kalonji en signe une belle adaptation graphique.
« Mon vrai nom est Nissam mais j’ai commencé à le perdre quand maman a sauté par la fenêtre de notre tour parce que j’avais tué par accident un chrétien roumi de Montreuil. Je suis monté dans un bateau et j’ai traversé en clandestin l’océan algérien. » Le jeune Nissam est impulsif et, tel son héros Zinédine Zidane, il ne transige pas avec l’honneur des femmes de la famille. C’est ainsi qu’il tue par accident un voisin. Protégé par l’imam de la cité, il est contraint de fuir en Algérie. Pris en charge sur place par un réseau islamiste, il est formé au djihad, avant d’être envoyé en Suisse pour constituer une « cellule dormante ».
Christian Lecomte a été correspondant à Sarajevo (1992-1998), puis en Algérie (2000-2005). Entretemps, il a couvert les guerres d’Irak (1991) et du Rwanda (1994). Il tire de ces années mouvementées la matière d’un surprenant roman.
Dans une langue fleurie, voire crue, mais toujours pleine de poésie, Nissam raconte son initiation au terrorisme, ses premiers faits d’armes, puis, le jour de l’attentat, la trahison du réseau par affection pour un vieil homme. « Alors pour sauver la vie de Jule Mirepoix, j’ai trahi grave Issam, l’émir Abou Yahia Ibrahim et l’État islamique au Levant, au Maghreb et ailleurs. » Le voilà à nouveau contraint de fuir. Poursuivi par les moudjahidines et par toutes les polices européennes, il change d’identité, de protecteurs et rencontre Livia, qui, bien qu’handicapée, chante comme Édith Piaf. L’imagination débridée de Christian Lecomte, la finesse et la variété des personnages, qu’ils soient algériens, roms, africains ou roumis, et la drôlerie des situations rappellent Daniel Pennac.
Les aquarelles de Jean-Philippe Kalonji illustrent ces extraordinaires aventures. Ses expressions sont particulièrement justes, de la haine froide des tueurs au sourire malicieux et bienveillant du vieux Jean Mathieu. Et, quand la souffrance est trop lourde à porter, guidé par un vol de mouettes amies, Nissam s’envole vers les étoiles… et nous avec lui. Laissez-vous guider !
Stéphane de Boysson