En 1972, à Versailles, un crime racisme est commis par la Police. Plusieurs décennies après ce drame, Philippe Artières s’interroge sur le racisme ordinaire dans un récit ponctué de souvenirs de jeunesse dans cette France pompidolienne alors en plein essor.
L’écrivain Philippe Artières – qui intervient parfois dans des émissions sur France Inter ou France Culture – s’est penché sur l’histoire d’un ouvrier algérien nommé Mohamed Diab, qui fut tué d’une rafale de pistolet-mitrailleur dans le commissariat de Versailles, le 29 novembre 1972, par des policiers, suite à une altercation. L’historien, à l’époque âgé de quatre ans, vivait avec ses parents à Versailles, une ville réputée pour sa tranquillité, son château et sa population au niveau de vie très confortable.
À partir de cette découverte, plusieurs décennies après les faits, Philippe Artières va s’interroger sur son rapport au racisme, et plus généralement sur le racisme qu’il y a au plus profond de chacun d’entre nous. Il nous livre ainsi un récit en forme d’introspection et de réflexion, dans lequel il met en perspective ce fait divers avec son éducation bourgeoise et catholique. Lui, le petit Versaillais qui allait à l’église avec ses parents, qui fut sensibilisé dès son plus jeune âge à la faim dans le monde, mais qui ignorait qu’à deux pas de chez lui, à Versailles, et dans cette France des années 60 et 70, le racisme tuait régulièrement des immigrés nord-africains, à l’image de Mohamed Diab.
Nourri de souvenirs d’enfance, mais également de nombreuses recherches, de photos et de coupures de presse, ce livre à la fois essai sociologique et autofiction, nous replonge dans une époque où la France est constituée majoritairement de blancs, catholiques, et où les Africains inspiraient au mieux curiosité, au pire méfiance et rejet, auprès d’une population dans laquelle préexiste un fond de racisme social, plus ou moins avoué.
À bout portant. Versailles 1972 est un récit dans lequel l’auteur montre combien la société française a évolué au fil des décennies, et combien durant ces années « d’immigration de masse », de nombreux crimes racistes étaient classés sans suite, souvent dans l’indifférence générale.
Une réflexion salutaire de la part de cet historien, qui évoque, à travers quelques souvenirs d’enfance, un Paris en pleine expansion, qui voit sa banlieue et ses infrastructures modernes pousser comme des champignons, et la société de consommation arriver à grands pas, comme une promesse de vie meilleure.
Benoit RICHARD