Sylvère Denné et Sophie Ladame nous proposent une biographie originale d’Henri Charrière, dit Papillon, célèbre aventurier et ancien bagnard.
J’ai conservé un souvenir vivace de la lecture de Papillon. Je l’ai dévoré trop jeune. Ce jour-là, j’ai pris la vie de plein fouet. S’il n’a pas fait de moi un aventurier, Henri Charrière m’a fait découvrir un univers effrayant, un monde physiquement très proche du nôtre, mais obéissant à des lois opposées.
En 1931, pour le meurtre d’un souteneur – un assassinat qu’il a toujours nié –, Papillon est envoyé au bagne de Cayenne. En ayant pris pour perpette, il n’aura de cesse de s’en évader. Il y parvient en 1944. Il s’installe au Nicaragua, où il ouvre une boite de nuit. Sa peine est prescrite en 1967. Il rentre en France et écrit son histoire. Sorti dans la collection « Vécu » de Robert Laffont en mai 1969, son livre s’écoulera à 15 millions d’exemplaires. Papillon meurt riche, célèbre et officiellement gracié, en 1973. Il n’a pas eu le temps d’assister à la sortie de l’adaptation hollywoodienne de son récit, réalisée par Franklin J. Schaffner, avec, excusez du peu, Steve McQueen et Dustin Hoffman. La gloire ! Depuis, des esprits grincheux ont prouvé que Charrière s’était attribué des exploits qu’il n’avait pas vécus. À défaut d’être totalement honnête, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs, l’ex-bagnard avait un peu romancé.
Habilement, le scénario de Sylvère Denné entremêle deux récits. Le premier reprend les principaux évènements racontés dans le livre, de son embarquement pour la Guyane à son ultime évasion. Le second nous transporte à Caracas, où un Papillon vieilli et assagi raconte sa vie à ses amis, avant d’imaginer en faire un livre et de s’envoler pour Paris.
Sophie Ladame a dessiné la partie la plus ancienne, la plus audacieuse, au crayon de bois et à la gouache sur un fond imitant le papier kraft. Son syle « rapide » rappelle celui des carnets de voyage. Alors que l’homme est sombre et cruel, la nature se révèle aussi somptueuse que dangereuse. Vous admirerez son océan et sa nuit étoilée, ses mouettes et ses poissons exotiques, sans oublier les papillons. La seconde partie est travaillée à l’encre de Chine. Ses visages y sont moins convaincants que ses décors, mais, à l’image du vieux best-seller, l’ensemble se dévore avec plaisir.
Si la fin est habile, le scénario m’a laissé un peu sur ma faim. Je veux y voir une invitation pressante à lire ou à relire Papillon, à voir ou à revoir Papillon, pour y vivre ou y revivre, par procuration, la plus belles des évasions. Car, là-bas, la liberté se paie cher et cash. Et vous, oserez-vous le grand saut ?
Stéphane de Boysson