Dans le massif de La Chartreuse résonne une synthé-oï à la camaraderie contagieuse. Le premier essai de No Filter, Sans Filtre, enchaîne dix récits remuants.
Ils se connaissent depuis un paquet d’années, les trois musiciens de No Filter. Max (chant et programmations), Fred (synthés et basse) et Baramine (guitare) partagent un intérêt prononcé pour le black-metal et la cold-wave. Deux EPs anglophones, An Otherside (2018) et Black Leather Jacket (2022) précéderont leur premier album Sans Filtre composé en français. Le chant, direct et cru, ne s’embarrasse pas de manières, vague héritier de Cobra et des productions de Chaos Productions, label punk-oï historique de Komintern Sect, Trotskids ou Reich Orgasm. Musicalement, No Filter tient plutôt de l’early-Depeche Mode et d’Orchestral Manoeuvres in the Dark, avec ses synthés et ses batteries électroniques combinés d’une basse et d’une guitare aérienne qui tabassent, rejoignant de facto la sphère synthé-punk d’Arsou, Rancoeur ou des messins d’Oi Boys.
Sensible aux écrits de Tony O’Neill ou Dan Fante, les textes retranscrivent des moments de vie mouvementés, avec panache et sensibilité siglés Orange Mécanique.
Baston Générale ouvre l’album avec fracas. Une séquence d’un journal télévisé, consacrée au fléau des blousons noirs, annonce une frénésie 80’s renforcée par la guitare post-punk qui n’est pas sans rappeler celle d’Anzia (guitariste de feu Marquis De Sade). S’en suit Un Samedi Soir Dans La Plaine qui rebondit sur une parfaite synthé- pop aux accents hooligans. La sono qui balance de la merde, les canettes et la buvette sont au centre des conversations. Ça ne dure pas avec Sauvages. Une guitare surf surenchérit aux « On est Sauvages » répétés en chœur, No Filter c’est l’apologie d’une certaine forme de l’éclate.
La camaraderie se fend d’un refrain viril sur À La Mémoire De SHORT79, hommage à un pote parti trop jeune, que des sons à la B-52’s surgissent sur La haine Nous Appartient. Les riffs punk de la guitare et de la basse résonnent implacablement cold. La France rurale qui pleure et les révoltés de tous poils trouvent échos dans un Frère De Cœur habillé d’électro et connecté Trisomie 21.
Quand retentit « Et tu frappes, tu frappes, tu frappes » sur l’infernal Octogone, la basse typée Peter Hook et la rythmique hypnotique dressent le drapeau de la baston gratuite. Les synthés se rattrapent sur Le Suicidaire qui décolle au second souffle.
Ne Pense Pas À Demain calme le jeu, ritournelles presque enjouées, avant qu’un hurlement sème la désolation, une lourde basse enfonce « les tirs à balles réelles ». Maléfique.
Mathieu Marmillot