Quand un froid glacial règne sur Paris, et que le monde entier semble être devenu fou, pourquoi se refuser quelques minutes de douceur en compagnie de Chris Cohen, dans l’écrin chaleureux des Balades Sonores ?
Peu de gens connaissent le Californien Chris Cohen, qui a pourtant fait partie un temps de Deerhoof, groupe non négligeable, qui a produit Weyes Blood, et qui s’est engagé dans une carrière solo depuis plus de dix ans… Chris a sorti cette année un album qui lui a valu bien des louanges, Paint a Room, et devait jouer à Paris en double affiche avec Owen Pallett, à Petit Bain. Concert annulé, et « remplacé » par un showcase aux Balades Sonores en ce vendredi, et un set complet à l’Olympic Café, dimanche. Ce qui explique notre présence, en cette froide soirée de vendredi qui voit les effets de la tempête Caetano s’éloigner, dans le cadre infiniment chaleureux du disquaire « les Balades Sonores », où se pressera une petite foule – si, si, il y a des Parisiens qui connaissent et aiment Chris Cohen – tentant tant bien que mal de se placer entre les casiers de vinyles pour profiter d’un set de trois quart d’heures.
Chris n’est pas seul ce soir, mais accompagné de son groupe, c’est-à-dire d’un trio basse (une bassiste frigorifiée qui ne quittera pas sa chapka de la soirée) / claviers / batterie (remplacée par l’occasion par un cageot en carton, vu le manque d’espace). Tout le monde s’installe à la bonne franquette, sans oublier de contrôler le chaton tricolore envahissant du magasin : à 20h, le set peut commencer, comme prévu.
« Too much of a good thing / Summer’s here, it never goes away » (Trop de bonnes choses / L’été est là, il ne s’en va jamais…) : on attaque par Optimistic High, extrait du premier album solo de Cohen, Overgrown Path, qui reste considéré par les connaisseurs comme son meilleur. Le genre d’intro qui fait du bien à l’âme, en cette noire période où les dictateurs fous arment leurs missiles et bombardent les populations civiles. Mais Chris est avant tout là pour nous faire découvrir son nouveau-né, ce Paint a Room qui se caractérise par des accents jazzy, voire même franchement bossa-nova (tout du moins au niveau du chant), mais également par des chansons très courtes, de trois minutes : nous en entendrons huit sur les dix de l’album, ce qui signifie logiquement que l’atmosphère de la soirée sera « la douceur mélancolique ». Et nous aurons beau demander – nous, le public, et les autres musiciens – à Chris de monter le son de sa guitare électrique, il sera clair que l’objectif du chanteur n’aura pas été ce soir de nous donner du « gros son », mais bien plutôt de créer une ambiance intimiste. Histoire de ne pas effrayer les chats ? Ou les voisins, qui regardent de temps en temps depuis dehors ce qui se passe ?
On notera particulièrement le très réussi Physical Address, dont Chris nous explique que les paroles sont reprises d’un formulaire d’inscription au chômage, dont il a mélangé les phrases ! Si, durant les premières 25 minutes du set, Chris respecte la setlist qu’il a préparée pour la soirée, « une version abrégée de la setlist des concerts » nous a-t-il expliqué, à mi-course il change tout ça, et décide au coup par coup ce qu’il va jouer ! Heureusement, l’excellent Damage (sans les cuivres, bien entendu) échappe au couperet, avant que le set se termine avec un As If Apart visiblement chéri de son public… « To have is not enough… » (Posséder ne suffit pas…).
Mais s’il comptait s’en tirer comme ça, Chris doit déchanter ! Personne n’a envie de partir, quelques personnes lui réclament Heart Beat, qu’il se résigne finalement – sous la pression de ses propres musiciens ! – à nous jouer en solo. « How much longer / Dark will surround me / Tell me when will that be? / And I wonder / Can I hear the heart beat? / Tell me if the heart beats » (Combien de temps encore / L’obscurité m’entourera-t-elle / Dis-moi quand est-ce que ce sera ? / Et je me demande / Puis-je entendre le cœur battre ? / Dis-moi si le cœur bat…). Un beau moment suspendu pour clore ce show case qui nous a fait chaud au cœur…
Rendez-vous dimanche soir à l’Olympic Café pour un concert complet, pour ceux qui le pourront…
Texte : Eric Debarnot
Photos : Laurence Buisson / Eric Debarnot