Kendrick Lamar – GNX : Dans l’urgence

Sorti par surprise ce vendredi, le nouvel album de Kendrick Lamar est un concentré de son année 2024 : on sort la sulfateuse pour régler ses comptes sur une ambiance West Coast brûlante. Plus brut que ses prédécesseurs mais pas moins fort pour autant.

Kendrick Lamar - GNX
capture YouTube

2024 ne pouvait décemment pas se terminer sans un album de Kendrick Lamar tant le rappeur californien aura marqué l’année rap de son empreinte. D’ordinaire plutôt discret et reclus hors sortie de projet, K Dot a enchainé les buzz en tout genre ces derniers mois. Il y a eu l’annonce de sa présence à la mi-temps du Superbowl en Louisiane en février prochain et tout un débat sur ce choix plutôt qu’un artiste local (coucou Lil Wayne) mais bien évidemment, et surtout, ce fameux clash avec Drake. Pas la peine de se refaire la chronologie du bazar, disons seulement que l’affaire tenait visiblement à cœur côté Kendrick et qu’il a enchainé les titres comme des uppercuts avec son point culminant, Not Like Us, devenu presque malgré lui un immense tube voire un hymne pour Los Angeles et ses alentours.

Un contexte forcément favorable pour lâcher un disque et ce qui était dans l’air du temps depuis quelques semaines s’est transformé en publication surprise ce vendredi 22 novembre sur les coups de 18h.
Un tweet de son auteur annonçant GNX sur toutes les plateformes, devenu immédiatement LE sujet de toutes les discussions de réseaux sociaux les heures suivantes, pas de doute possible le coup commercial est réussi. Mais qu’en est-il alors du contenu ?

Dès la première écoute, et même dès les deux premiers morceaux, le constat est assez évident: Kendrick en a encore gros sur la patate et en veux à tout le monde. Et il a l’intention de régler ses comptes sur le même voltage que le déjà nommé Not Like Us.

wacced out murals donne clairement le ton d’emblée, aussi bien musicalement que sur les intentions de l’ancien Black Hippy. Flow agressif, voix nasillarde, lyrics amers envers une profession qui ne l’aurait pas assez soutenu, il n’hésite pas à nommer directement les concernés. Lui dont la carrière avait décollé à la suite d’un couplet devenu légendaire qui l’avait vu sortir le lance-flamme contre absolument tous les rappeurs de sa génération revient donc à sa première nature. Oui, on peut être un artiste en perpétuelle évolution et garder tout de même dans un coin l’essence de ses fondations.

Tout transpire l’urgence sur cet opus, notamment par le prisme de sa couleur sonore avec ce style « hyphy West Coast » fait de mélodies sifflantes/stridentes hyper répétitives sur grosses basses, genre qui a connu ses heures de gloire dans la baie californienne aux détours des années 90 et qui connaît un retour en grâce depuis quelques années sous l’impulsion du producteur Mustard, inquisiteur derrière le fameux NLU et naturellement présent ici.

squabble up, hey now, tv off sont pensés dans ce sens et surfent sur cette formule. Même son de cloche avec les brûlants gnx en compagnie de la scène du coin ou peekaboo. De quoi s’assurer l’appui et le succès local chez lui pour des morceaux taillés clubs et soirées. Et de se faire bouder par une partie d’un public moins hip-hop et moins friands de ce genre de compos ? La question peut se poser à l’inverse de ce qu’elle était pour son prédécesseur Mr Morale & the Big Steppers où il a pu lui être reproché de trop intellectualiser son art.

Le retour aux racines est notable, ce qui n’empêche cependant pas Kendrick de ralentir la cadence aux moments opportuns avec des ouvertures très bien senties. man at the garden et le très 2Pac/Eminem-like reincarnated rappellent ses fameux morceaux fleuves les plus introspectifs quand luther et l’incroyable heart pt.6 jouent la carte old school avec une ambiance laid-back à souhait, où Lamar ressort son flow smooth sur lequel il excelle tant. Une manière de garder la forme et surtout de ne pas sur-exploiter sa poule aux œufs d’or en tournant en rond pendant 45 minutes sur le même genre de prods. Pas innocent dès lors de retrouver dans le pool du studio l’habituel Sounwave mais aussi Jack Antonoff en producteur exécutif, lui le gourou pop de Taylor Swift ou Lana del Rey, pour venir apporter les aérations.

Plus brut que tout le reste de sa discographie, GNX ressemble à un cliché instantané d’un moment précis dans la carrière de son créateur, là où des Good Kid M a a d City et To Pimp A Butterfly sont passés à la postérité grâce à leur intemporalité. Dans la forme, on se rapproche ici de DAMN. sans le côté conceptuel. Le fruit d’une époque où tout va vite, où tout est bruyant, où tout est brûlant. Et encore une fois, Kendrick parvient à taper dans le mille.

Alexandre De Freitas

Kendrick Lamar – GNX
Label : PGLang – Interscope
Date de sortie : 22 novembre 2024

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