Alors que la ville de Grenoble s’apprête à célébrer les 80 ans de sa libération, Jean-Yves Le Naour et Philippe Tarral célèbrent ses réseaux de résistants.
Les éditions Bamboo poursuivent leur série mémorielle sur les Compagnons de la Libération. Le général de Gaulle a honoré 1032 hommes, 6 femmes, 18 unités militaires et, plus surprenant, 5 communes, dont la ville de Grenoble. La préfecture de l’Isère s’est particulièrement distinguée par sa lutte contre l’occupation et la collaboration. Les mouvements de résistance y furent particulièrement actifs, ils en ont payé le prix fort.
Le scénario de l’historien Jean-Yves Le Naour est habile, honorer une grande ville sur un format aussi court ne semblait pas aisé. Il s’appuie sur deux personnages de fiction. Inès est une collégienne fan de Naruto, qui, ignorant tout de la Seconde guerre mondiale, prépare un exposé sur Grenoble sous l’occupation. Son professeur lui propose de rencontrer Marcel, un ancien artificier de la résistance, qui s’ennuie dans son EHPAD.
Le premier contact est rugueux, mais crédible. Marcel et Inès fuguent avec un fauteuil roulant. Ensemble, ils visitent les hauts de la Résistance, le quartier général de la Milice, les sièges des autorités italiennes et allemandes, les lieux des manifestations, des attentats et des opérations de représailles. Même si ville a pansé ses blessures et s’est modernisée, des plaques et des monuments maintiennent, pour qui sait les voir, le souvenir. Le vieil homme n’a rien oublié. Pourtant, la mémoire de Marcel semble se brouiller, passé et présent se confondent. Ce discret élément fantastique facilite la plongée d’Inès et du lecteur dans ce passé, désormais lointain.
En 48 pages, Le Naour brosse un récit précis des affrontements opposant les FFI/FTP aux Allemands et à leurs supplétifs. Progressivement, malgré les pertes, la peur change de camp. Le recours aux flashbacks, aux fortes paroles du Chant des partisans et aux poses humoristiques, dont un running gag explosif, réminiscence de L’Enquête corse de Pétillon, agrémentent la lecture.
Le dessin de Philippe Tarral est classique. Inès et marcel sont bien croqués, la reconstitution historique solide et leur complicité est agréable à voir. L’ensemble est dynamique, le courage des premiers résistants est bien rendu. Peut-être, me manque-t-il la peur et la solitude surmontées par ces héros oubliés. Ainsi, bien maniée, la bande dessinée participe au travail de mémoire. La ville de Grenoble a offert 3000 exemplaires de l’album à ses collégiens.
Stéphane de Boysson