« Xi Jinping, l’empereur du silence » : on ne nait pas tyran, on le devient

Avec Xi Jinping, l’empereur du silence, Éric Meyer et Gianluca Costantini nous retracent le mystérieux et inquiétant parcours du l’homme qui tient, d’une main de fer, le destin de 1,4 milliards d’êtres humains.

Xi Jinping, l'empereur du silence - Éric Meyer et Gianluca Costantini
© 2024 Meyer / Costantini / Delcourt

Éric Meyer a été plus de trente ans journaliste en Chine. Xi Jinping parle très peu et ceux qui l’ont approché se taisent. En s’appuyant sur les recherches des sinologues du groupe Chinapol, il est parvenu à reconstituer son parcours.

Xi Jinping, l'empereur du silence - Éric Meyer et Gianluca Costantini Dans une première partie, il lève le voile sur sa jeunesse mouvementée. Fils d’un haut cadre du Parti, compagnon de Mao et vice premier ministre, il a bénéficié d’une enfance dorée avec villa, école et plage réservées à l’élite. Mais, en 1962, alors qu’il n’a que 9 ans, son père est exclu du Parti pour révisionnisme. Plus tard, lors de la Révolution culturelle, Xi est pourchassé par les gardes rouges. Comme des millions de citadins, il se réfugie dans un village. Sa demi-sœur se suicide. Il s’enfuit, tente de se cacher à Pékin, avant de retourner au village, volontairement, servir la Révolution. Il travaille la terre de 15 à 22 ans. On aurait pu s’attendre à ce que cet homme humilié s’oppose à la dictature et milite pour une ouverture politique, or, au contraire, il se battra pour retrouver son rang de « petit prince rouge ». Après huit refus, il intègre le Parti en 1974. Son père est réhabilité quatre ans plus tard, l’ascension de Xi peut commencer.

La seconde partie est passionnante. Xi est libéral quand le Parti est libéral. Il sévit, quand le Parti rappelle à l’ordre. Il se fait remarquer par sa foi dans le Parti, son efficacité et sa discrétion : « ne jamais se faire d’ennemis, ne jamais se mettre en avant ». Afin d’éviter la dictature d’un seul homme, le Parti pratique une forme de cogestion et n’élit un président que pour deux mandats de cinq ans. Corruption, népotisme et règlements de comptes sont monnaie courante. Pour accéder au sommet, les combats sont rudes entre les barons. Xi ne dévoile ses ambitions que tardivement. Nommé président de la République populaire de Chine en 2012, il mate les rebelles, élimine ses rivaux et assoie son pouvoir personnel. De facto président à vie, il se sent désormais suffisant fort pour défier l’Occident.

Le dessin en noir et blanc de Gianluca Costantini est précis, documenté et expressif. Alors qu’ils semblent tous se ressembler et s’habillent tous de la même façon, il parvient à différencier ses personnages. Quand Xi danse avec Poutine ou négocie avec Obama, quelques touches d’humour ou de cynisme viennent alléger le propos, tout en dévoilant les mensonges des grands de ce monde.

En quelques deux cents pages, Meyer et Costantini nous brossent un saisissant portrait de la Chine contemporaine et prouvent que le documentaire en bande dessinée est un véritable média d’information. Lisez des BD !

Stéphane de Boysson

Xi Jinping, l’empereur du silence
Scénario : Éric Meyer
Dessin : Gianluca Costantini
Éditeur : Delcourt
Collection : Encrages
232 pages – 27,95 €
Parution : 16 octobre 2024

Xi Jinping, l’empereur du silence — Extrait :

Xi Jinping, l'empereur du silence - Éric Meyer et Gianluca Costantini
© 2024 Meyer / Costantini / Delcourt

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