Feel good movie à la française, indiscutablement efficace, En fanfare souffre quand même d’avancer sans honte sur un terrain battu et rebattu, et de pouvoir être catalogué à la fois de « manipulateur » et « ringard »…
Inutile de le cacher, on sort de En Fanfare avec des larmes plein les yeux (à moins d’être un parfait sociopathe, bien entendu). Comme on a aussi, et assez régulièrement souri, voire même ri à plusieurs occasions, il est indéniable qu’Emmanuel Courcol a parfaitement réussi son pari de réaliser un film français du genre « feel good », sur le modèle bien balisé du cinéma britannique : des bons sentiments à la pelle, de la critique sociale, des gens du peuple qui se battent pour exister dans un monde qui les écrase sans pitié, et de la fraternité qui naît dans la construction « en bande » d’un projet artistique.
On pourra tiquer sur une écriture au mieux audacieuse et au pire maladroite, qui alterne les ellipses brutales et parfois frustrantes, pour s’éterniser, à l’inverse, sur des scènes manquant de contenu : peut-être eût-il mieux valu une narration plus ample, sur une demi-heure de plus, pour une meilleure immersion du spectateur dans cette histoire finalement complexe, dont on sent qu’elle pourrait donner « plus ».
Mais le gros problème de En Fanfare est dans la manière, pas très élégante, dont les ingrédients du scénario ont été choisis et assemblés. Car cette histoire de deux frères adoptés par des familles différentes, élevés dans des milieux sociaux que tout oppose, qui vont se retrouver et se découvrir l’un l’autre à travers leur amour partagé de la musique, n’y va pas par quatre chemins pour charger la barque en émotion : leucémie, usine qui ferme dans une région déshéritée, divorce et éloignement entre un père et sa fille, etc. Les stéréotypes se ramassent à la pelle : d’un côté la France bourgeoise qui écoute de la « grande musique » et va à la Seine Musicale, de l’autre celle qui vénère Johnny et chante Aznavour sur les pages désertes du Pas de Calais. Quant au hip hop, il est au mieux une plaisanterie qui fait bien rire tout le monde, surtout quand c’est un sympathique jeune homme trisomique qui s’y colle. Et bien sûr, si l’écoute du jazz sert à valider « l’oreille absolue », et rend nostalgique, il faudra un bon vieux Boléro de Ravel pour que l’on s’émeuve à l’unisson, que l’on oublie un instant le fossé, non le gouffre, entre ces deux France.
Si la manipulation de nos émotions fonctionne parfaitement, on l’a dit, et rend, avec le recul, le film assez désagréable, il y a quelque chose qui résiste dans En fanfare, qui l’empêche de sombrer dans la ringardise : c’est l’interprétation, parfaite, de Benjamin Lavernhe, qui s’approprie en douceur un rôle pourtant peu gratifiant de « premier de la classe » voulant absolument faire le bien autour de lui alors que personne ne lui demande rien, et qui prouve une fois encore qu’il est l’un de nos tous meilleurs acteurs du moment. Quant à Pierre Lottin, après De grâce et Quand vient l’automne, il continue à irradier, derrière sa belle rudesse « populaire », une présence à l’écran qui pourrait bien faire de lui une véritable star du cinéma hexagonale.
Aimer un film plutôt antipathique pour ses acteurs, ça arrive, et il n’y a nulle honte à ça !