222 est un album qu’on commence à écouter sans faire attention, et qui finit par vous envoûter… Beau et triste à la fois, un rêve pop-folk avec des touches blues-rock, une petite perle, une pépite addictive.
Kaÿcie (KC) compose et chante des chansons. Par chance pour nous parce que ce sont de bien bonnes chansons que Kaÿcie compose. On aurait plus que tort de ne pas les écouter. Elle donne dans le genre pop-folk intimiste, décoré de festons rock et un peu blues. On aime… ce n’est pas un critère en matière de critique musicale, c’est vrai. Cela peut même biaiser le jugement, mais tant pis. Soyons biaisé, content de l’être, et aimons cet album, 222. Comme le précédent EP, d’ailleurs, Sweet Side of the Storm, qui était déjà extrêmement séduisant.
222 fait référence à une année (2022), une année de tourments que l’artiste a essayé de dompter ou de capturer en écrivant. Cela fait de cet album une sorte de balade dans l’intimité de la chanteuse. Kaÿcie se confie, avec pudeur mais aussi une apparence de tranquillité et de relâchement, sans avoir l’air d’hésiter au moment de partager ces moments difficiles. Une balade dans la brume des sentiments mélancoliques que Kaÿcie a pu éprouver à ce moment-là. Pourtant, malgré les larmes (iodine, par exemple), cet album est tout sauf triste, désabusé, perdu—les sentiments et les sensations que l’on éprouve ne sont pas négatifs. 222 est (au risque de passer pour un sadique) franchement réjouissant… les mots sont justes (même si quelque fois tristes), et les mélodies sont belles (et même très belles). On écoute ces chansons, ces vignettes, ces morceaux de vie, ces petites histoires (d’amour, souvent) avec une larme à l’oeil et le sourire aux lèvres (ou l’inverse). L’album oscille entre mélancolie et joie profonde, entre la tristesse d’une rupture et l’euphorie d’un dernier moment, d’une dernière caresse. Kaÿcie réussit parfaitement son numéro d’équilibriste entre des paroles qui abordent des thèmes intimes, très personnels, aux couleurs sombres et une musique chaude, qui vibre, qui pulse. Une musique punchy, presque étincelante, riche d’envolées lyriques, de sonorités pop-rock.
L’album commence avec un morceau superbe et addictif (à dire vrai, ils le sont tous), Roi. Chanson intime, chanson sur le bonheur et l’abandon que peut provoquer une caresse (heureux comme mes doigts/glissant dans tes cheveux de Roi/mon coeur de velours s’allège/mon corps s’allume et s’élève), ou chanson sur la puissance (du Roi), la vulnérabilité (mon coeur de velours) mais la musique est tellement lumineuse et chaleureuse que le morceau sent la chaleur plus que le froid et l’humidité. Cours, le bien nommé, est une autre chanson d’amour et douce (« pas de chaînes quand on aime si fort/pas de remord dans les veines »), mais amère (“Cours et envole toi/Je te rends au vent/Qui file sous tes doigts”), des mots chantés d’une voix caressante sur un rythme léger et aérien. Courir pour quitter celle qu’on aime tant… Ces deux premiers morceaux sont superbes.
Mais Ghost est encore plus beau. Un morceau profondément émouvant, porté par une voix qui ne caresse plus trop, mais qui se tord, tantôt rauque, tantôt qui monte dans les aigus, une chanson aux sonorités rock. Kaÿcie montre qu’elle sait chanter dans différents registres. Probablement le meilleur morceau de l’album, à égalité avec Iodine, aussi très bon. Un morceau chargé d’émotions, une mélodie qui n’a pas totalement glissé vers la tristesse, la voix est assez puissante, forte, le refrain est rythmé—on aurait presque envie de pleurer, parce que ça a l’air si bon. D’ailleurs, c’est aussi ce qu’on ressent à écouter Fools for Love, autre chanson d’amour désespérée mais impeccable; le titre parle des sacrifices et des contradictions qu’on peut accepter par amour, même lorsque cela semble déraisonnable. Mais la mélodie est parfaite, les arrangements pop-folk ne se mettent jamais en avant pour rien. Les sonorités sont légères, comme pour mieux faire ressortir la profondeur (noirceur) des paroles.
Et l’album se termine avec deux morceaux un peu moins puissants et forts que les précédents, pas pour autant anecdotiques… Kaÿcie nous montre encore qu’elle sait composer des morceaux avec du rythme et tourner une mélodie qui vous trotte dans la tête.
Alain Marciano