Superbe soirée hier à la Maroquinerie, placée sous le signe de deux voix féminines d’exception, celle de Findlay et de son indie folk / rock à haut impact émotionnel, et celle de Sylvie Kreusch, future grande star de la pop intelligente.
Passionnant (quasi) double programme ce soir à la Maro : en tête d’affiche, la future étoile belge de la « pop » internationale intelligente, dont on parle désormais beaucoup, Sylvie Kreusch, anversoise tombée de manière précoce dans la musique et le mannequinat, membre originel de Warhaus en compagnie de Maarten Devoldere ; et en première partie, pour laquelle pas mal de gens sont en fait venus, Natalie Rose Findlay, qui vient nous régaler de quelques chansons en attendant de terminer son nouvel album. Une telle affiche justifie de braver le froid humide de cette soirée, les embouteillages dantesques liés à l’inauguration de Notre Dame de Paris rénovée, et même les remous provoqués par la motion de censure votée contre le gouvernement…
20h 00 : … toutes ces choses que l’on oublie en dix secondes quand Findlay, accompagnée de son frère Charlie à la guitare, donc dans un inhabituel format duo – dont elle nous annonce elle-même qu’elle trouve ça bien moins bien que quand elle joue avec son groupe complet – attaque son premier des sept morceaux précieux dont elle nous régalera ce soir. On utilise le mot « précieux », car il nous semble que c’est le plus approprié pour qualifier aussi les trente minutes magiques, hors du temps, que nous allons passer avec Natalie. Et avec sa voix extraordinaire, et avec sa capacité à passer en un souffle de l’émotion la plus raffinée, la plus ténue, à de brefs mais bouleversants sommets. Sept chansons donc, dont seulement deux que nous connaissions (Waste My Time et Somehow, Someday), sept moments parfaits, si ce n’est ce goût de trop peu, de « revenez-y », on l’espère le plus vite possible. On se dit néanmoins que ça va être difficile d’atterrir après avoir volé à une telle altitude.
21h00 : Mais on change totalement de registre avec Sylvie Kreusch, ce qui était clairement le mieux qui puisse se passer : six musiciens disposés en arc de cercle autour d’un vaste espace central qui va permettre à la « star » de nous faire une démonstration de sa maîtrise physique de la scène. On a donc à notre gauche, un duo guitare-basse, en face, un batteur et un percussionniste, et à droite, deux claviéristes choristes : une parité parfaite avec trois garçons et trois filles, et surtout une versatilité qui va être amplement mise à profit au cours de l’heure vingt qui va suivre afin d’aborder des genres musicaux divers. Un peu de rock (un zeste d’influence « loureedienne » par ci, un usage du piano qui rappelle celui au sein du Patti Smith Group des débuts), pas mal de « pop » contemporaine (une parenté du chant sur certains morceaux vaporeux avec le travail vocal de Lana Del Rey), et surtout beaucoup de musiques qui ont la grâce de ne rien évoquer de particulier : un univers singulier qui est celui de Sylvie Kreusch.
Inévitablement, vu son pedigree de « modèle », Sylvie impressionne par sa tenue – une large veste couverte de boutons et de chaînettes, qui se révélera d’ailleurs parfois embarrassante – et surtout son jeu de scène, à la fois élégant et littéralement impérieux. Mais, et c’est le plus important, c’est sa voix qui est l’élément clé de son set. Plus essentiel même que ses chansons, qui ne sont pas toutes inoubliables, mais qui sont toutes convaincantes grâce à l’interprétation, à la fougue, de Sylvie et de son groupe.
Il faut préciser que le son, regroupé entièrement sur la sono, donc sans amplis ni retours sur scène, sera excellent toute la soirée, avec le chant bien audible, même au premier rang. Les lumières, quant à elles, laisseront parfois à désirer, et on aurait apprécié si on avait pu éviter la « fumée » sur quelques titres, parfaitement déplaisante dans un espace plutôt restreint comme celui de la Maro. Mais ce sont là de petits bémols par rapport à un set très professionnel, parfois même très fort, surtout dans sa seconde partie, qui a vu Sylvie monter progressivement en puissance, pour culminer sur le plaisir général du crowd pleaser qu’est Walk Walk (géniale succession de Walk, walk, walk et de Pu-pu-pu-pu-pu-pu-pu-pu-pu-pu-pu-da-da-da-da !), puis à nouveau sur le brillant final de Comic Trip.
Le public est en feu, beaucoup de jeunes filles dans la salle sont ravies, Sylvie descend dans la fosse pour chanter au milieu de ses fans un Falling High qui referme un set qu’on aurait aimé voir durer une bonne dizaine de minutes de plus. La prochaine fois, sans doute…
Il est temps de retourner à la triste réalité des guerres, des gouvernements qui s’effondrent, du périphérique fermé pour travaux : heureusement, il y a eu ces deux belles voix féminines pour nous faire rêver pendant une paire d’heures…
Texte et photos : Eric Debarnot