Récit de l’utopie zadiste au quotidien, DIRECT ACTION confond sur la durée prendre son temps et incapacité à faire le tri au montage.
DIRECT ACTION est le fruit d’un long travail d’immersion de deux documentaristes dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en 2022 et 2023, alors que le projet d’aéroport a été abandonné en 2018. Et ce tandis qu’à Sainte-Soline les Soulèvements de la Terre tentent de s’opposer à un projet de privatisation de l’eau.
Il est tentant de citer à propos du film le commentaire de l’utilisateur topiasaugust du réseau social cinéphile letterboxd : Chantal Akerman goes ACAB. On trouve effectivement en commun avec Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles un désir de montrer des tâches banales, quotidiennes dans leur continuité, pas transformées par le montage. Mais la cinéaste franco-belge avait une visée pamphlétaire : filmer les tâches du quotidien sans les interrompre, c’était pour la cinéaste tendre à la femme au foyer le miroir de son oppression.
Le documentaire de Guillaume Cailleau et Ben Russell vise lui à montrer des tâches relevant pour la plupart d’une vie champêtre comme les petits pas vers l’édification d’une utopie anticapitaliste sur le terrain où aurait dû être construit Notre Dame des Landes. Avec comme but avoué de raconter le militantisme hors le spectaculaire et le bruit médiatique. Ces tâches sont filmées dans leur continuité en plans fixes rapprochés (le pétrissage de la pâte à pain, le mur à briser…), avec du hors champ visuel que l’on imagine parfois au travers du bruit.
Parfois le dispositif tourne à vide et il n’y a rien d’intéréssant à voir dans le cadre ni à deviner dans le hors champ. Le film quitte aussi parfois son dispositif (caméra suivant le déplacement d’un personnage, scène aérienne filmée avec un drone…). De façon pas forcément heureuse : le passage du drone au caractère inutile, le moment involontairement comique de l’interlocuteur du speech de la militante concernant les techniques de manipulation des interrogatoires policiers -un cochon-… Le film a de plus raconté le gros de ce qu’il avait à raconter à mi-parcours, le retour de l’action militante contestataire classique étant le seul ajout significatif de sa seconde partie.
DIRECT ACTION est environ jusqu’à son entracte un bon documentaire pas dénué de scories. Si la volonté de ne pas découper les actions filmées fait partie de l’esprit du projet, le film est victime avec ses plus de trois heures et demie d’un tandem de cinéastes trop fascinés par leur sujet pour savoir quelles scènes écarter. Et on se rappelle alors qu’en 1968 Shinsuke Ogawa avait posé sa caméra dans la région rurale de Sanrizuka, près de Tokyo, Des agriculteurs, aidés par des étudiants, tentaient de s’opposer à leur éviction par le projet de construction d’un nouvel aéroport international à Narita. Un documentaire trop long, déjà.
Ordell Robbie.