[Interview] DEADLETTER : « je vois parfois un concert comme une expérience psychologique »

Parce qu’ils sont l’un des jeunes groupes britanniques les plus excitants du moment, parce qu’ils sont sortis élégamment des clichés fatigants du « post punk », parce qu’ils ont mis le feu à la Maroquinerie lors de leur dernier passage à Paris, ils nous fallait absolument parler à DEADLETTER…

Deadletter Finals - 3

… Nous avons pu parler à Zac Lawrence, dans sa chambre d’hôtel à Berlin alors que le groupe y donnait un concert le soir même, et à George Ullyott, qui vadrouillait dans les rues de la ville, à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent un dimanche après-midi…

Benzine : Peux-tu revenir rapidement sur les origines du groupe ?

Zac : Euuhhh… Les débuts, c’est-à-dire que moi-même, George et Alfie, le batteur, on était amis, à travers de nos familles, on se connait depuis toujours… On est allés à l’école ensemble avec George depuis nos 5 ans, on était inséparables, on avait les mêmes centres d’intérêt, on a appris à jouer de la guitare en même temps… Un été, nous sommes allés à Whitby, une petite ville où nous avions des amis, et nous sommes tombés sur le frère d’Alfie qui jouait dans la rue, et Georges et moi avons décidé que nous avions envie de faire ça : on a commencé à jouer des reprises de morceaux folk, et ensuite Alfie nous a rejoint. On a progressé jusqu’à jouer dans des petits pubs à Whitby et Scarborough, et en 2016, on a décidé de former tous les trois un vrai groupe. On jouait très, très fort, c’était très punk. Puis on a voulu passer aux choses sérieuses, on est descendu à Londres, et en 2020, on a lancé un nouveau projet, d’autres personnes se sont jointes à nous… Et le reste est devenu de l’Histoire !

Benzine : Quelle est l’origine du nom DEADLETTER ?

Zac : En toute honnêteté, nous essayions de trouver un nouveau nom pour le groupe, à six autour d’une table à se passer des bouts de papier où chacun avait écrit son idée. J’aimerais que ça soit plus intelligent, plus profond que ça, mais le mot « Deadletter » a été le premier sur lequel nous sommes tombés d’accord. Et c’est resté ! Il y a différentes significations à ce mot : du courrier non remis, des lois qui n’ont pas été appliquées… Mais c’est en fait un mot très fort.

Benzine : Quand on écoute vos paroles, elles véhiculent des idées fortes sur le monde actuel…

Zac : Nous ne nous considérerions jamais comme un groupe « politique », mais moi-même qui les écrit, je pense que les paroles de chansons sont un médium qui permet de faire des observations et poser des questions sur tout un tas de sujets. Je ne me fixe pas de limites, donc, inévitablement, la politique apparaît au milieu. Bien sûr, mes opinions personnelles peuvent transparaître, mais je ne voudrais jamais imposer mon opinion à personne…

Benzine : Hello, George, on te voit marcher à l’image, où es-tu ?

George : Dans les rues de Berlin, je cherche où acheter quelque chose à manger, mais ça n’a pas l’air facile…

Benzine : Quand vous composez, comment est-ce que ça se passe ?

George : Notre processus d’écriture, c’est que chacun écrit ses propres trucs, moi à la basse, Zac avec ses paroles. Puis, quand on se retrouve ensemble dans une même pièce, on échange tout ça, et ça se construit de manière très naturelle. On est presque dans une jam quand on compose.

Benzine : C’est intéressant, on ressent cette liberté même dans les chansons terminées, il y a une sorte de magie à l’œuvre.

George : Nous, quand on écoute notre musique, on est capable de reconnaître les mécanismes qu’on a utilisés pour en arriver là, mais si les gens ne le perçoivent pas, alors c’est super !

Zac : Oui, c’est bien d’entendre ça, parce que, en tant qu’artiste, on perd toute objectivité par rapport à notre musique, on a trop été impliqués dans la construction.

Benzine : Ce qu’on aime chez vous, c’est le fait que votre musique ne sonne pas comme du post-punk des années 70 – 80…

Zac : On nous a qualifiés un jour de « revivalistes » dans un article, et ça m’a vraiment chagriné.. La dernière chose que nous voulons faire, c’est ramener à la vie quelque chose qui est mort…!

George : On était des grands fans de punk et de post punk dans le passé, mais aujourd’hui on n’en écoute plus, on puise notre inspiration dans tout un tas de genres de musiques différents. Moi, en ce moment, j’écoute Joni Mitchell, Neil YoungKae Tempest… c’est très beau…

Zac : Je dois dire qu’en ce moment, je lis plutôt que d’écouter de la musique. En fait, quand je n’écoute pas de nouveaux artistes, je retombe sur Leonard Cohen, Bob Dylan. The Fall, Can, ce sont aussi des groupes auxquels je retourne toujours avec plaisir. J’ai eu une grosse phase Silver Jews, et donc une obsession romantique pour Purple Mountains, l’album incroyable que David Berman a publié juste avant son suicide : un album phénoménal.

 

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DEADLETTER à la Maroquinerie le 12 octobre 2024 – Photo : Robert Gil

Benzine : Sur scène, le mot qui vous qualifie le mieux est « intensité », ce qui vous éloigne de l’atmosphère de l’album…

George : Jouer sur scène, c’est ma raison de vivre. L’album essaie de retrouver ça, et je pense qu’on y est parvenu, un peu. Maintenant, y arriver chaque soir, c’est ce que veux continuer à faire…

Zac : C’est formidable d’avoir des musiciens autour de moi sur qui je peux totalement me reposer, et me concentrer sur le plaisir d’être là. Un set, je le vois parfois comme une expérience psychologique : « Ces gens en face de moi, qu’est-ce que je peux leur faire faire ? » (Rires)

Benzine : Est-ce vous avez déjà réfléchi aux prochaines étapes ?

Zac : Oh, oui ! On est déjà bien engagés dans ces prochaines étapes ! On n’a rien enregistré encore, mais on sait où on va. On va évoluer de manière naturelle, ce sera une progression logique… Avec des chansons beaucoup plus variées sur le prochain disque.

George : Ce qui change, c’est qu’on a maintenant pu écouter ce que nous donnons sur un album : 12 chansons à la suite de notre musique. Ça va nous permettre de changer un peu notre approche…

C’est à ce moment que George se fait aborder dans la rue par quelqu’un d’un peu agressif. Impression terrible d’assister, impuissants, à une situation de risque potentiel. George court, suivi par l’individu, et finit par s’en débarrasser…

Zac : Ça va faire un sujet de lecture intéressant : George, dans la rue, poursuivi par un individu louche… (rires)

Benzine : Une dernière question : si vous jouiez des reprises de chansons sur scène, ce serait lesquelles ?

George : En fait, on en a beaucoup discuté… Et on va commencer à le faire bientôt en concert ! Mon choix se porterait vers I Shall Be Released. 

Zac : Nathan, le saxophoniste et moi, on essaie d’injecter dans la « psyché » du groupe l’idée de reprendre le You Can Leave Your Hat On, la version de Joe Cocker ! Et aussi Blackstar de David Bowie !

Benzine : Marrant, parce que quand j’ai écouté votre album, j’ai pensé, tiens voilà le premier disque d’un jeune groupe qui s’inspire du Blackstar de Bowie !

Zac : Vraiment ? C’est un immense compliment, parce que cet album est incroyable !

Propos recueillis par Eric Debarnot le 27 octobre 2024

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