Le groupe australien Bananagun a trouvé dans sa musique svelte, une inspiration qui semble renouveler la capacité du quatuor à toujours nous surprendre. Un disque qui revigore et redonne de l’espace (vital) dans ce monde étriqué.
Trouver un nom générique à l’énumération des titres constituant un disque est une entrave à son audition, à condition de se contenter de deux singles et d’oublier le reste. Cette propension à survoler une œuvre, à résumer son contenu de manière approximative, ne sont elles pas les symptômes d’une pseudo accélération temporelle ressentie par l’indéfendable allégation «le temps passe trop vite» ? Cette contre-vérité tient au fait que nous ne consacrons que trop peu de temps à la lecture, un livre ça s’ouvre et ça se ferme. Il en est de même pour un disque, quelque soit son format. Pour Bananagun, ces notions ont leurs importances et une signification particulière.
Depuis Melbourne où le groupe mené par Nick van Bakel, a débarqué précédemment avec The True Story of Bananagun, le récit s’est transformé en naufrage. Aussitôt sorti, le premier album est resté en l’état, non pas comme un disque incognito, mais sans autre possibilité de le défendre sur scène. L’Australie est un territoire notoirement connu pour ses interdictions, surtout durant la période de pandémie. Comprenez la frustration de nombreux artistes incapables de défendre leur musique sur scène.
La Sunshine Pop californienne héritée de Curt Boettcher était un des marqueurs de Bananagun, entiché d’influences afro-beat, avec cette pointe Lo-Fi caractéristique. Avec ce nouvel album, on bascule vers autre chose. Une reconstruction et une répartition de la composition, presque scolaire. Cette démarche peut surprendre, mais l’implication de chaque membre comme compositeur, est un élément primordial de l’obtention dudit disque. Le ciel a donc été peint et la question de la couleur se pose. Comment ne pas penser à Aldous Huxley au travers du titre introductif Brave child of a new world, une entrée en matière foutraque comparable à un afrobeat psychédélique, dont le rythme change complètement, une sorte de bubblegum musical pratiqué durant les sixties.
De nouveau monde, il en est question, à croire selon Nick Van Bakel qui loin de se laisser envahir par une dystopie que l’on dit inévitable, s’obstine à concevoir une musique à la mesure de ses visions. Jusqu’à interroger et tirer le bilan de générations antérieures ( Those who came before). Inclassable par ses nombreux virages jazzy, ses prises de sons où chaque instrument est placé dans un spectre défini, à la manière des groupes sixties voire de la West Coast Music. On pourrait citer des références, mais Bananagun se permet même une jam-session avec Feeding the moon, histoire de brouiller encore plus les pistes. L’album précédent avait déjà posé les jalons d’une véritable histoire, la pochette illustrait l’exploration dans laquelle le groupe s’élançait.
Mais où se cache donc le single, le one-hit-wonder ? Gift of the open hand aurait pu être l’offrande du groupe, la générosité de Bananagun est disséminée en 35 minutes, mais surtout le titre accroche coeur est le Dylanien With The Night, comme sorti des basement tapes de The Band. Vous y êtes ? L’esprit de Bananagun est inspiré de cet esprit collectif où chaque protagoniste est multi-instrumentiste ( Cuivres, bandonéon, clochettes, violon). Bref, un bien étrange disque qui cependant trouve sa place en ce bas monde incolore. Une énergie libre, qui se disperse pour mieux se recentrer au niveau supérieur de l’âme.
Franck irle
Bananagun – Why Is The Colour Of The Sky
Label : Full Time Hobby
Sortie : 08 Novembre 2024