Manning Fireworks, c’est pour MJ Lenderman l’album studio d’après le succès critique américain de Boat Songs. Mais aussi un album de Country Rock classique ne sentant pas la naphtaline.
Une chanson de Manning Fireworks, quatrième album studio de MJ Lenderman, s’intitule Rip Torn. Soit un acteur américain ayant joué Louis XV pour Sofia Coppola, débuté sans être crédité au générique dans Baby Doll d’Elia Kazan avant de connaître une notoriété grand public 41 ans plus tard en interprétant l’Agent Z dans Men in Black. Une comparaison souhaitant sans doute évoquer le « purgatoire » de Lenderman avant d’atteindre une petite notoriété à domicile.
En 2018, après avoir joué dans la batterie sur un album d’Indigo de Souza, Lenderman rejoint le groupe Wednesday et a une relation avec la chanteuse du groupe Karly Hartzman. Ils sont depuis séparés et il est toujours membre de groupe. En 2019, il travaille dans un magasin de glaces pour joindre les deux bouts et publie son premier album solo. Il écrit son second album, publié en 2021, au moment du COVID.
Mais en 2022 son troisième album Boat Songs est celui du décollage grâce à sa place de choix dans les bilans musicaux annuels américains. Il a alors l’opportunité de signer sur le label Anti- et publie un album live (contenant le titre Rudolph, repris plus tard en version studio dans Manning Fireworks) dans la foulée. En 2024, il a participé au morceau Right Back To It de l’album de Waxahatchee. Rip Torn se veut ainsi un récit amusé de la pression liée à une notoriété soudaine.
Manning Fireworks, c’est donc du Country Rock avec quelques intermèdes de guitare au son évoquant le Crazy Horse période Zuma. Chanté avec une voix un peu relâchée quelque part entre Malkmus et une version douce de Jay Mascis. Un mélange classique dans ses bases mais avec juste ce qu’il faut d’éléments contemporains pour dépasser le simple revival.
Avec des textes regardant leurs sujets -pris dans la White Trash America- de manière non distante mais avec une pointe de dérision. Les lèvres du Joker (Joker Lips) sont un masque ridicule pour masquer la tristesse. Blowin’ in the wind est revisité avec humour dans Rudolph : How many roads must a man / Walk down ’til he learns / He’s just a jerk who flirts / With the clergy nurse ’til it burns (Combien de routes un homme doit-il traverser pour apprendre qu’il est juste un imbécile flirtant avec une infirmière du clergé jusqu’à se brûler).
Si l’album est d’excellente tenue, il ne comporte aucun chef d’œuvre. Mais il a quand même avec She’s leaving you quelque chose ressemblant à un morceau indie accrocheur. D’abord parce que son titre/refrain a la simplicité biblique d’un Neil Young (Don’t cry no tears). Avec un premier couplet dans cette veine-là, débutant au moment où le narrateur infidèle est surpris en plein acte : You can put your clothes back on / She’s leaving you / No time to apologize for the things you do (Tu peux remettre tes fringues, elle te quitte, pas le temps de t’excuser pour ce que tu as fait).
Mais cette posture flegmatique bascule immédiatement dans le comique. Louer une Ferrari parce qu’on a assez d’argent pour ça (mais pas assez pour en acheter une), prendre Eric Clapton pour le Christ revenu sur terre parce qu’on le surnomme God. Avant de revenir vers un mélange d’acceptation fataliste des difficultés de court terme et d’optimisme. It falls apart/We all got work to do (Tout s’effondre, nous avons tous du travail à faire).
Au final, Manning Fireworks est un excellent album de country rock alternatif à écouter avant d’éventuellement revoir un de ces films où Nick Nolte (Extreme Prejudice) et David Bowie (L’Homme qui venait d’ailleurs) faisaient un peu injustement de l’ombre à Rip Torn quand ils étaient dans le cadre en même temps que lui.
Ordell Robbie