Après Roman Fleuve, c’est reparti pour Philibert Humm ! C’est en train cette fois, que, clandestinement, à la manière des hobos, il va se laisser porter par des wagons de hasard. Roman de gare est le récit jouissif d’une anti-épopée hilarante et émouvante à travers la France profonde.
On avait quitté Philibert Humm à la fin de Roman Fleuve, la très loufoque et très réjouissante odyssée qui l’avait conduit, avec deux compères et à la manière de Trois hommes dans un bateau, à descendre vaillamment la Seine en canoë, de Paris jusqu’à Honfleur. On savait déjà qu’il avait une âme d’aventurier, puisque quelques années auparavant, avec son ami d’enfance Pierre Adrian, et sur les traces des héros du Tour de France par deux enfants, il avait entrepris un voyage à pied sur les routes et chemins de l’Hexagone. Après s’être rêvé navigateur, il s’est rêvé hobo, sur le modèle de London et Kerouac. Et cette fois, il a entraîné dans son sillage Simon, un copain breton partageant son insouciance et ses rêves : ils seront Buck et Callaghan, et partiront sans but précis, au hasard des trains de marchandises qui s’offriront à eux, avec pour tout bagage, un sac à dos contenant, entre autres, une pipe tyrolienne, une casquette en peau de mouton retournée, un saucisson pistaché, des boites de sardines à l’huile et une bonne bouteille de rhum arrangé.
Les aventures de Philibert Humm ou plutôt de son narrateur – dont il dit qu’il est « lui, en pire » – n’ont rien d’héroïque. L’auteur les transforme en anti-épopée, de même qu’il fait de ses protagonistes des anti-héros, maladroits, couards, bêtas… et attendrissants. Placé sous le signe de la dérision – et ce dès son titre – Roman de gare nous fait partager, dessins naïfs et plaisantes notes de bas de page à l’appui, les tribulations de ces deux vagabonds du rail, depuis leurs efforts pour accéder aux wagons convoités et leurs courses pour échapper aux vigiles de la SNCF, jusqu’aux rencontres inattendues, une patronne de bistrot, une petite dame à sa fenêtre, un dangereux conducteur à la fois borgne et louchon. Mais de ces aventures contées dans un registre héroï-comique et sur un ton facétieux, Humm fait l’expression de sa nostalgie pour ce qu’il appelle le « cul de la France », cette « France profonde » éloignée des diktats de la modernité et profondément humaine, en même temps qu’une ode irrévérencieuse, touchante et hilarante, à l’amitié.,
Anne Randon