« Le roman des artistes », de Dan Franck : Un automne aux feuilles immortelles

Après sa trilogie sur le temps des Bohêmes, Dan Franck lâche la fée verte et nous transporte avec Le roman des artistes dans les salons et barricades du 19e siècle en illustre compagnie.

Dan Franck
© JF PAGA

Si la plume, les pinceaux, les partitions et les planches sonnèrent la révolte des sentiments sur la raison, la vie de nos plus grands artistes de l’époque était plus romanesque que romantique. Hommes et femmes n’écoutaient pas du Frédéric François, ne dessinaient pas des cœurs avec la buée sur les fenêtres et ne partageaient pas forcément la fidélité des tourterelles. de sacrés goujats, ces romantiques. L’amour et l’eau fraîche n’ont jamais fait bon ménage.

Le roman des artistesDan Franck biographise (pourquoi pas ?) Hugo, Dumas, Delacroix, Musset, Sand et d’autres noms d’écoles ou d’avenues dans un style très romanesque qui donne corps à nos Pléiades.
Tous les grands créateurs de cette génération se croisèrent, se fréquentèrent, s’aimèrent pour certains, se quittèrent, partagèrent doutes, conquêtes et se jalousèrent. le succès des uns fait le malheur des autres.
L’auteur passe de Dumas, si généreux qu’il écrit à plusieurs, à Hugo (pas l’Alex qui gribouille des montagnes sous le regard des marmottes) en maître de cérémonie depuis Hernani, puis à Sand et Musset qui savaient comment se dire Adieu, badinaient avec l’amour et chopinaient avec Listz, à Balzac qui mange avec ses doigts tout en écrivant plusieurs romans à la fois, à Théophile Gautier dont l’oeil a plus ri que pleuré et jusqu’à Delacroix, figure du romantisme malgré lui. Avec eux, la liberté avait les seins nus. Une symphonie fantastique à la Berlioz avec la folie de Nerval. Sacré Casting.

Déployant un ton très romanesque, Dan Franck nous immunise contre l’ennui. Il nous décrit en même temps l’émergence et le succès des feuilletons littéraires, l’importance du théâtre dont les acteurs étaient des stars, les convergences des musiciens, écrivains ou peintres autour de ce mouvement romantique. C’est passionnant de bout en bout en passant par les côtés les moins glorieux, pour ne pas oublier que derrière les œuvres se cachaient des individus : coucheries d’un soir, qu’une bonne amie appelle comètes, coups bas, mesquineries…Nul n’est génie à temps complet.

Toutes ces légendes échappées du Lagarde et Michard dévoilent ici leur jeunesse (incroyable mais Hugo n’est pas né avec une barbe !). Ils partageaient une force de travail titanesque au service de leur art et de leur prestige, mais ils n’étaient pas que des témoins de l’histoire. Ils en furent des acteurs, engagés et passionnés.
L’autre mérite de ce roman tient à sa construction et à son rythme. le travail documentaire immense s’efface derrière la dextérité de Dan Franck qui excelle dans les transitions entre tous ces monstres sacrés qui acceptent ici de partager l’affiche et dans son approche ludique de l’histoire.

Premier volume vraiment jubilatoire d’une tétralogie (sauce Wagner), le récit suit la naissance du romantisme en France à la suite De Chateaubriand jusqu’à la mort de la fille de Victor Hugo, de la revanche du retour de Napoléon en 1815 à la Révolution de 1848. L’histoire vue du ciel des poètes.
Vivement la suite.

Olivier de Bouty

Le roman des artistes
de Dan Franck
Editeur : Grasset
416 pages – 24€
Date de parution : 2 octobre 2024