Sparks – This Town Ain’t Big Enough For The Both Of Us semble faire du morceau emblématique du duo un prétexte pour évoquer de manière plus générale ce dernier. Quitte à risquer de s’écarter de son sujet.
Sparks – This Town Ain’t Big Enough For The Both Of Us n’est pas une lecture déplaisante. Il permet à non sparksien d’en savoir plus sur un duo qui était d’abord pour moi 1) le duo qui avait chanté en duo avec les Rita. 2) le duo admiré par Morrissey et qui admirait le Moz. 3) un duo repris par Martin Gore sur son Counterfeit EP (et par Siouxsie aussi). 4) le duo qui avait travaillé avec Leos Carax et écrit un morceau dédié à Tsui Hark.
A ce propos, en lisant que la moustache de Ron Mael pouvait évoquer suivant l’humeur de tout un chacun Charlot ou Hitler, on pense à la mythique critique du Dictateur par André Bazin affirmant que le coup de génie du film était d’avoir saisi que les deux partageaient la même moustache. Lorsque Ron Mael répliquera que Charlot et le Führer étaient tous les deux des personnages de cartoons, on n’est pas loin dans l’esprit de ce que Bazin écrivait. On apprend aussi que Tati a eu un projet hélas avorté avec le duo.
Deluxe raconte un duo américain façonné par la British invasion des années 1960 qui va tenter le tout pour le tout avec succès au pays des Beatles. S’agissant du morceau sujet de son livre, il évoque un succès britannique fédérant un public féminin façon Beatlemania et un public plus arty en pleine vague glam. Mais aussi une dynamique d’écriture à la fois influencée par la musique classique et toujours contemporaine qui fait son pouvoir de fascination. Suggérant que le morceau porterait en germe les tendances à l’hybridation de la pop actuelle.
Mais le livre a un peu trop tendance à s’écarter de son objet d’étude pour raconter ce que c’était qu’être fan des Sparks en France à partir des années 1970. Le succès public du duo couplé à une incompréhension de la critique hexagonale seventies. Les apparitions à la télévision française dans des shows médiocres. Et beaucoup de collaborations du duo avec des artistes français (Bijou, Lio, les Rita…). De plus, la préface et l’interview d’Olivier Cachin n’apportent pas grand-chose. Et il y a une forme d’étonnement s’agissant d’une absence d’étude approfondie du texte du morceau.
Le livre semble au fond buter sur le caractère insaisissable des Sparks et sur la résistance du morceau qui est son sujet à toute tentative d’explication. Un morceau qui reprendrait la musique classique d’une manière punk avant l’heure, avec des vocalises malades, des bruitages inspirés du western et une référence à Hiroshima. Un morceau qui a encouragé beaucoup à faire autrement mais n’a pas eu de vraie descendance directe. Et vers lequel, bien que non fanatique du groupe, je reviens comme vers un mystère impossible à résoudre.
Ordell Robbie