Avec Lou Reed – Walk On The Wild Side, Bruno Juffin fait revivre le moment où l’ex-chanteur du Velvet Underground devient artiste solo en composant un morceau emblématique des seventies débutantes.
Ce qui rend plaisante la lecture de Lou Reed – Walk On The Wild Side, c’est qu’il est signé d’une plume qui a officié du côté des Inrocks : Bruno Juffin. Raconter une œuvre en mode dictionnaire, ce n’est pas neuf. Mais Juffin a eu une bonne idée dès qu’il s’est agi de choix des mots : inclure au milieu d’entrées attendues (Bowie, Ronson…) des lieux et des adresses. Ce qui permet de cartographier la chanson, la trajectoire de Lou Reed et certaines dates de concerts. C’est aussi une manière de rappeler que la musique est d’abord affaire de lieux : lieux où les artistes se croisent, lieux où ils se produisent, lieux où ils enregistrent, lieux symboles d’une scène musicale…
L’ajout de Bonus tracks juste après les définitions pourrait donner une impression de coquetterie mais il a un charme : celui d’être des notes de bas de page que le lecteur/la lectrice ne pourra zapper. Juffin peut de plus saturer son livre très court de références artistiques, de personnages liés directement ou pas à la trajectoire de Lou Reed… et multiplier les allers-retours temporels sans donner l’impression de se disperser ni produire un sentiment d’indigestion. Parce qu’il est bien aidé par la force de son sujet : une chanson en apparence modeste, une chanson de quartier et de voisinage qui encapsule pourtant toute une époque.
Le livre a aussi le mérite de souligner que la collaboration avec Bowie, désormais considérée comme rampe de lancement de la carrière solo de Lou Reed, fit grincer quelques dents critiques du côté des States. Ou de rappeler le sens originel du mot camp, terme galvaudé par les amateurs de nanars et de films excentriques. Petit bémol : la question de savoir si Joe Dallesandro était le porteur du jean à braguette de la pochette de Sticky Fingers fait débat. Juffin a sans doute, en bon disciple de John Ford, imprimé la légende.
Bien sûr, on pourrait reprocher au livre de reléguer au second plan un Face B qui est un autre morceau reedien emblématique : Perfect Day. Morceau poignant, abondamment repris et immortalisé par son utilisation dans Trainspotting. Mais c’est normal : la Face A est un phénomène culturel, pas la Face B.
Ordell Robbie