À la suite de son autobiographie Passeur, JD Beauvallet, cofondateur des Inrockuptibles, partage ses expériences d’expat volontaire de 1983 à 2023 dans Mind the Gap : une vie en Angleterre.
Manchester agit comme un aimant sur le jeune Beauvallet. En 1983, c’est là-bas que rayonne son label fétiche Factory Records. En périphérie, dans les immeubles dégueulasses de Crescents Hulme, le tourangeau se pose. Les vols et menaces ne pèsent pas lourd à côté de la voisine Haçienda, club mythique de la ville. Ainsi commence une nouvelle vie pour Jean-Daniel Beauvallet qui va devenir correspondant rock pour la revue musicale Les Inrockuptibles. L’Angleterre le fascine, les déménagements se succèdent, Brighton, Leeds, Liverpool, Londres dans le désordre. Le journaliste est un témoin privilégié des scènes musicales anglaises.
Mind The Gap dresse une analyse de la société anglaise à travers vingt-deux chapitres. Beauvallet y affiche son amour pour ce pays complexe et décomplexé, où l’humour noir et l’autodérision s’affichent sans fard. Il aborde la lexicographie : Tosser, Cunt, Bob’s Your uncle ou Posh y sont expliqués avec délectation, tout comme les skinheads de Worthing y sont décrits avec effroi. Car dans ses mots respirent un respect profond pour les habitants. Tels des polaroïds made in UK, il offre le beau rôle aux gens ordinaires, aux excentriques, aux Anglaises du Nord et leurs boys qui célèbrent la liberté d’être, souvent dans l’excès, mais au fond si pudiques.
L’Haçienda et son videur mafieux Dominic Noonan sont aussi de la partie, Happy Mondays jamais loin. Les personnages fréquentent les pubs et préfèrent les stades à la messe. Virtuellement en sourdine résonne la playlist de Jaydee, comme on l’appelle en UK. On n’y entend pas Gary Newman mais Tricky, TV Pies, Gorillaz, Little Simz, Pulp et bien d’autres. La pop culture a amené la couleur à l’Angleterre dixit l’auteur, le Brexit l’a salopé. On le croit sur parole.
Mathieu Marmillot