Le titre est original et le slogan accrocheur : « Achetez sans réfléchir ! Regrettez plus tard ! » Lisez-le, je vous assure que vous ne le regretterez pas !
Je découvre le cinquième tome, qui pourrait être le dernier, de cette anthologie du suspense et de l’horreur dirigée par Run, le fondateur du Label 619. Original, le modèle est celui des comics américains : un savant assemblage de bandes dessinées, de documentaires et d’articles scientifiques, de fausses publicités et d’un improbable courrier des lecteurs. Les textes sont denses, le client en a pour son argent et, conformément aux habitudes du label, l’objet est beau et le papier épais. L’impression soignée est infiniment supérieure à celles des comics de ma jeunesse.
Le thème de l’opus est la bagarre, la baston grave. Le gore est assumé, les têtes sont tranchées, le sang gicle et les os se brisent. Âmes sensibles s’abstenir. Le recueil propose trois récits complets, pour autant de thèmes et d’auteurs différents : la révolte des machines, l’invasion des démons et la Première Guerre mondiale. Les scénarios sont originaux et réservent leurs lots de surprises. La pagination permet de développer de véritable histoires et l’accent est mis sur les scènes d’actions, toutes dantesques.
Mais, c’est la qualité du dessin qui fait la différence. À la différence des comics standardisés, chaque artiste bénéficie d’une carte blanche pour développer son propre style. Le lecteur en prend plein la gueule.
Devenus conscientes, les IA de Baptiste Pagani renvoient aux hommes leur cruauté, leurs duels de robots à la Real Steel et leur indifférence glacée. Son univers bleu et rouge est froid, ses visages sont durs et, soudain, nos lendemains s’assombrissent.
Le trait de Sylvain Repos est plus doux, ses jeunes filles pourraient être tirées d’une revue enfantine, ses décors sont dignes d’un western-spaghetti, ses démons évoquent les Kaiju et son héros à moto un invincible samouraï. Attention, l’ensemble, qui pourrait être indigeste, fonctionne, et les bastons sont jubilatoires.
Enfin, Run nous propose un Popeye ombrageux et réaliste confronté aux horreurs de la guerre de tranchée. Il associe des visages poupins, des torses musculeux et des combats hallucinants. À défaut d’attendre le suivant, je vais me rabattre sur les premiers tomes.
Stéphane de Boysson