Projet antérieur au succès colossal de l’adaptation du Dune de Frank Herbert par Denis Villeneuve, la série Dune – Prophecy n’est pas mauvaise en soi, mais décevra forcément les admirateurs du cinéaste canadien comme de l’auteur mythique de Science-fiction…
Mise en œuvre en 2019, donc avant le succès colossal de la version cinématographique de Dune réalisée par Denis Villeneuve, la nouvelle série « de prestige » de HBO se trouve désormais dans une sorte de zone grise, qui semble bien lui coûter le succès que ses producteurs espérait. Une « double zone grise », même car, d’une part on est dans une esthétique très éloignée de celle des films de Villeneuve (ne se déroulant pas sur Arrakis, qui plus est, nuls déserts de sable à l’écran, mais des planètes glaciales et des palais qui le sont encore plus…), et de l’autre son scénario n’est même pas tiré d’un livre de Frank Herbert ! Inutile donc d’espérer du fan service ici, et par conséquent, on ne voit pas les fans se ruer par milliers pour regarder la série de Diane Ademu-John et Alison Schapker, qui passe pour le moins inaperçue… Il faut toutefois noter que Denis Villleneuve était lui-même impliqué dans le projet original, qui traduisait sa fascination personnelle pour le Bene Gesserit, mais que la quantité de travail nécessaire à la réalisation de ses films l’a conduit à quitter le navire assez tôt…
Le scénario de Dune – Prophecy (intitulé à l’origine Dune – Sisterhood) est donc une adaptation du roman La Communauté des sœurs de Brian Herbert (le fils de Frank) et Kevin J. Anderson, et raconte la montée en puissance, plusieurs milliers d’années avant les évènements contés dans Dune, de la secte du Bene Gesserit. Le récit se focalise sur la trajectoire de deux sœurs Harkonnen, Valya et Tula, depuis leur jeunesse, et raconte également d’une certaine manière l’accession au pouvoir des Harkonnen, et les sources de la haine inextinguible entre cette maison et celle des Atréides.
Le problème d’un tel « prequel » – et c’était peut-être l’un des soucis du livre original, que nous n’avons pas lu – est qu’on y trouve à la fois des éléments cohérents avec la mythologie de Dune, et d’autres qu’on a du mal à relier avec ce que l’on sait de cet univers. La référence initiale à une guerre quasi terminale entre les êtres humains et les « machines » (bonjour, Terminator et Matrix !) qui a conduit à l’interdiction totale des « machines pensantes », permet d’expliquer l’aspect technologiquement « basique » du monde de Dune – où c’est le spirituel et la puissance de l’esprit humain qui sont devenus des outils. A l’inverse, le rôle magique, quasiment divin, du « ver des sables » d’Arrakis est difficile à faire coïncider avec la vision que l’on a désormais établie de ces monstres superbes, servant de montures aux Fremen !
Mais le souci de la série, en fait, c’est qu’elle est un assemblage assez disparate d’éléments de qualité variable. Pour simplifier, disons que tout ce qui est directement en rapport avec les machinations diaboliques de Valya et les jeux de pouvoir de la « communauté des soeurs », mais aussi les éléments de la jeunesse de Valya et Tula, est passionnant : la présence scénique et la force émotionnelle que dégagent Emily Watson et Olivia Wiliams permettent à chacune des scènes où elles sont à l’écran d’être stimulante, de justifier pleinement l’existence de la série. Pour le reste, on est bien moins enthousiaste : le casting général est relativement médiocre, le pire était atteint avec l’interprétation de Travis Fimmel (bien aimé des téléspectateurs, on le sait, pour Vikings !), qui offre un jeu au cabotinage caricatural, littéralement insupportable. Alors que le centre de Dune – Prophecy est, ou tout au moins, devrait être, le duel acharné que se livrent ces deux êtres maléfiques que sont Valya (Watson) et Desmond Hart (Fimmel), il est difficile de ne pas prendre parti pour Valya face aux clowneries pathétiques de Fimmel !
Quant aux intrigues de palais autour de l’Empereur (Mark Strong, qui ne trouve jamais la mesure de son rôle), elles sont trop abstraites et compliquées pour que l’on ait envie de s’y intéresser : il y a même un moment – terrible – où on réalise qu’on n’est pas si loin des niaiseries « politiques » imaginées par Lucas dans la première trilogie de Star Wars… C’est dire le peu de crédit qu’on leur accorde. A ce stade, le dernier épisode d’une heure et quart, accumulant révélations, rebondissements et retournements radicaux de situation, est la démonstration parfaite de tout ce qui ne fonctionne pas dans Dune – Prophecy : de graves défauts d’écriture, et un casting trop inégal.
Y aura-t-il une suite à cette première saison ? Rien n’est moins sûr. Et il n’est pas certain que grand monde ait envie de la voir…
Eric Debarnot