« Nosferatu » de Robert Eggers : manque de sang neuf.

Le Nosferatu de Robert Eggers n’est pas dénué de qualités, que ce soit d’un point de vue esthétique ou du côté de la prestation de Lily-Rose Depp. Il souffre hélas d’arriver après une déclinaison à outrance par le cinéma de la mythologie vampirique.

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Avant d’être un classique de l’expressionnisme, Nosferatu le vampire était une adaptation officieuse du Dracula de Bram Stoker changeant des noms de personnages et des détails du roman. Il est donc permis de regarder ce Nosferatu version Robert Eggers comme une déclinaison de plus de Dracula et pas seulement comme un second remake (après Werner Herzog) du Murnau. Ce projet que le cinéaste avait déjà en tête juste après The Witch pose la question de savoir s’il est encore possible d’amener du neuf au récit originel du vampire tout en respectant les bases du mythe.

L’apport d’Eggers est essentiellement atmosphérique, entre une photographie bleue hivernale en extérieur, l’éclairage naturel à la bougie hérité de Barry Lyndon de certains passages en intérieur et un rythme lent dont le côté somnambule cadre bien avec le récit vampirique. Ainsi qu’une intégration de quelques éléments de folk horror (la communauté tzigane des Carpates). Pour le reste, les grandes lignes du récit n’ont pas changé. Et représenter le rapport entre Ellen Hutter (Lily-Rose Depp) et le comte Orlok (Bill Skarsgård) comme l’affirmation du désir sexuel féminin dans une société qui le réprime s’inscrit dans la lignée du Dracula de Francis Ford Coppola. Avec comme (petite) variation le fait de mettre plus au centre du récit Ellen là où Dracula et Mina existaient de manière égale chez le réalisateur du Parrain.

Le côté très expressif de la prestation de Lily-Rose Depp évoque quant à lui celui de l’interprétation d’Isabelle Adjani chez Herzog. Entre parenthèses, la tension érotique entre Ellen et une figure « monstrueuse » évoque un autre rôle d’Adjani (Possession). Une interprétation estimable mais n’apportant rien de neuf par rapport à son inspiration avouée. On pourrait dire que la prestation du grand Willem Dafoe en Professeur Albin Eberhart Von Franz réussit à incarner tout ce que le film rate : s’inscrire dans l’existant tout en offrant une variation suffisamment singulière sur ce dernier. Elle comporte en effet des éléments classiques mêlés à une part de distanciation plus contemporaine.

Ce Nosferatu est victime d’une chose : parce que le cinéma a fortement pressé le citron vampirique depuis près d’un siècle, il aurait fallu faire beaucoup plus pour faire impression. On est d’ailleurs en droit de se demander si le cinéma ne devrait pas se saisir d’autres sujets que d’un énième retraitement (direct ou indirect, peu importe) d’un classique de la littérature fantastique datant de 1897. Même si bien sûr il faudrait aussi que des producteurs/productrices acceptent de financer ces « autres sujets »…

Ordell Robbie

Nosferatu
Film américain de Robert Eggers
Avec : Lily-Rose Depp, Bill Skarsgård, Willem Dafoe…
Genre : Epouvante-horreur
Durée : 2h13mn
Date de sortie en salle : 25 décembre 2024

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