[Prime] « Cross » : encore loin du compte…

Moins connus en France qu’aux USA, les « polars de gare » de James Patterson, et en particulier la saga de l’enquêteur / psychologue Alex Cross n’ont jamais été traduits de manière très convaincante à l’écran. Et ce n’est pas la nouvelle tentative de la maison Amazon, en format Série TV, qui va changer la donne…!

Cross
Aldis Hodge – Copyright Amazon MGM Studios

Le dernier pari de la maison Amazon, dans son bras de fer avec Netflix, s’appelle donc Cross, une série qui semble jouer sur du velours puisqu’on parle ici d’adapter les romans de James Patterson consacrés aux enquêtes du détective afro-américain Alex Cross, soit des best-sellers absolus aux USA, dans le genre « trivial », mais pas autant qu’il le paraît, de ce que l’on appelait autrefois des « romans de gare » (à l’époque où les gens emportaient des livres avec eux lorsqu’ils voyageaient en train ou en avion). Rappelons pour ceux qui n’ont pas suivi ce « héros », que si Patterson a déjà pondu une trentaine (oui !) de livres, leurs adaptations à l’écran n’ont rien eu de mémorable : c’est d’abord ce bon Morgan Freeman qui s’y est collé – alors qu’il n’avait pas particulièrement le profil du rôle -, dans deux films assez moyens, Kiss the Girls (1997) et Along Came a Spider (2001). A suivi un très mauvais reboot par Rob Cohen en 2012, Alex Cross, dont le mieux qu’on puisse faire est de continuer à en ignorer l’existence.

Cross afficheLe rôle-clé de Cross a été confié cette fois par Ben Watkins (Hand of God, Burn Notice), le showrunner et scénariste de la série, à un beau gosse baraqué, Aldis Hodge – qui a, a priori, plus l’allure convenant pour jouer un super héros afro-américain chez Marvel ou DC (tiens, d’ailleurs, il a été Hawkman dans Black Adam…). Il a plus à faire, cette fois, pour rendre crédible un personnage de psychologue hyper-cultivé et plutôt intello, qui plus est censé dans cette première saison être complexe et torturé (sa femme a été abattue, comme on le découvre dès les premières minutes du premier épisode, et il ne s’en est toujours pas remis, un an plus tard…). Ne soyons pas trop exigeants, Hodge se tire plutôt bien d’affaire, et ce d’autant qu’il doit se débrouiller avec une écriture la plupart du temps assez superficielle, pour ne pas dire pleine des clichés habituels du genre.

Car on réalise rapidement, après une paire d’épisodes qui se révèlent intrigants, que Cross s’engage sur des sentiers maintes fois empruntés par le genre policier : voici encore un serial killer, particulièrement pervers, qui a monté un plan « diabolique » assez peu logique à partir de ses obsessions pour les tueurs en série US les plus célèbres. Riche et séduisant, blanc (il ne fait plus trop bon être blanc aujourd’hui dans les séries TV US…) et membre de la haute société de Washington DC, Ed Ramsey, bien incarné par un Ryan Eggold qui est sans doute la meilleure raison de regarder la série, est un excellent personnage, desservi lui aussi par les errances du scénario, qui s’aggravent de plus en plus au fil de la saison. Jusqu’à un dernier épisode particulièrement bâclé, frôlant le ridicule à force de jouer sur des apparitions quasi miraculeuses des uns et des autres pour sauver les situations inextricables dans lesquelles se trouvent des « victimes » qu’il n’est clairement pas question de laisser mourir (happy end assuré, on l’a deviné depuis longtemps…).

Tout n’est pas mauvais dans Cross, loin de là, et la série reste très regardable pour un téléspectateur qui n’a pas besoin d’être « surpris » : son ancrage dans la réalité des quartiers populaires de la ville de Washington est très crédible (ce qui nous change agréablement de New York et Los Angeles), et les tensions entre les policiers et la population locale, harcelée par les criminels autant que par la police, constituent un contrepoint intéressant à la description de la vie des classes supérieures – blanches ou noires – qui dirigent la ville. Les jeux politiques au sein de la ville, entre la mairie et la police, sans atteindre la complexité de celles des livres de Connelly, sont ainsi plus intéressants que les trucs habituels des « histoires de serial killers ». On appréciera aussi la crédibilité des rapports entre Cross et ses co-équipiers, qui permettent finalement d’enrichir l’intrigue grâce à des relations humaines moins stéréotypées. Et puis, il y a au moins un très bon épisode, le cinquième (What Happens at Ramsey’s), qui laisse entrevoir pendant une heure ce que la série pourrait (aurait pu ?) donner, en sortant un peu des sentiers battus.

Il est dommage que les scénaristes de cette première saison ait voulu la complexifier en ajoutant une seconde « intrigue », avec une menace inconnue pesant sur la famille de Cross, dont la résolution finale laisse beaucoup à désirer, et s’avère même caricaturale. Il est aussi regrettable que, comme dans de nombreuses séries TV, la mise en scène de Cross se contente du strict minimum, avec des scènes d’action manquant de dynamisme et de tension.

Bref, en dépit d’un matériau de base qui a fait ses preuves, Cross laissera partiellement les amateurs de thrillers intelligents sur leur faim. Il faut néanmoins noter que, fait exceptionnel, la série a vu ses producteurs valider une seconde saison avant même la mise en ligne de la première. C’est dire la confiance qu’Amazon a en son nouveau « produit » !

Eric Debarnot

Cross
Série US de Ben Watkins
D’après les romans de James Patterson
Avec : Aldis Hodge, Isaiah Mustafa, Juanita Jennings, Ryan Eggold…
Genre : Thriller
8 épisodes de 55 minutes mis en ligne (Prime) le 14 novembre 2024

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