Brillante conclusion de la trilogie des concerts donnés en septembre 2022 par le Blue Öyster Cult au Sony Hall de New York, le 50th Anniversary Third Night Live est consacré au meilleur album du groupe, l’extraordinaire Secret Treaties, qui, devant un public « en feu », ne déçoit pas. Avec quelques beaux titres peu entendus dans sa seconde partie.
Au moment d’écrire quelques lignes sur ce troisième volet de la parution en édition audio / vidéo des concerts donnés par le Blue Öyster Cult il y a deux ans environ, au Sony Hall de New-York, le doute nous envahit : qu’y a-t-il à ajouter par rapport à ce que nous avions pu écrire en août dernier ? Qu’est-ce qui pourrait convaincre quelqu’un qui ne connaîtrait pas ce groupe à la fois essentiel du Rock des années 70-80 et pourtant honteusement sous-estimé, voire oublié dans le processus éternel de réécriture de l’histoire de la musique ? Quant aux « fans » (eh oui, il y en a pas mal encore, en France aussi, même si tout ce petit monde commence à vieillir), ils n’ont nul besoin que quelqu’un leur dise du bien d’un album qu’ils ont probablement déjà acheté ?
Mais après tout, au delà de la remarquable qualité de cet enregistrement live, rempli jusqu’à la gueule (et il y a plus de deux heures de musique, ici) de mélodies parfaites, de textes fascinants et de solos de guitares sublimes (Buck Dharma, le plus grand guitariste soliste de classic rock à être resté ignoré…), chroniquer cet album nous offre l’occasion de parler de Secret Treaties, LE DISQUE que tout aficionado du Blue Öyster Cult considère comme le meilleur du groupe, et du même coup, comme l’un des plus grands disques des 70’s… Secret Treaties : sans doute l’enregistrement le moins « heavy metal » de toute l’histoire du groupe, mais en même temps le plus extraordinaire, puisque composé de huit chansons parfaites (eh oui, même Cagey Cretins, le seul titre « peu interprété sur scène » des huit est parfait, et la version magnifique qui nous est offerte ici nous le rappelle), joués avec un mélange de technique et de passion à peu près inégalable dans le genre. Un album – le troisième enregistrement studio du groupe – dont le manque de « vrai » succès commercial, en dépit (ou à cause ?) de ses ambitions, à l’époque de sa sortie, causa une réorientation du groupe vers des atmosphères moins sombres et une musique moins radicale, moins intellectuelle aussi.
L’écouter ainsi interprété, dans son intégrale et dans l’ordre, aura certainement été l’une des plus grandes joies de l’amateur de cette fin d’année 2024 : aucune faiblesse, aucune déception, aucun effet de nostalgie, aucun « vieillissement » de cette musique. Ces chansons pourraient dater de 2024 comme de 1974, les cinquante ans qui ont passé n’ont rien affaibli de leur créativité, de leur complexité, ni de leur évidence rythmique et mélodique. Le remplacement occasionnel d’Eric Bloom au chant est évidemment, comme pour les deux albums précédents, un témoignage que le temps a accompli quand même son office, mais la guitare de Buck Dharma fait en sorte que la magie reste absolument intacte. Et la présence sur scène d’Albert Bouchard agit comme un véritable baume pour nos petits cœurs sensibles. Mais, si l’introduction avec Career of Evil, puis Subhuman, sonne plus pop que rock, ce n’est qu’un tour de chauffe pour le groupe comme le public. Quand arrive Dominance and Submission, et son riff diabolique, l’hystérie balaie la salle, et à partir de là, le concert atteint des hauteurs que nous n’espérions plus : bon dieu, pourquoi n’étions nous pas là, au Sony Hall, en septembre 2022, pour assister à ça, pour gueuler « Dominance » avec les milliers de « tarés » qui portent le morceau à l’incandescence, quand Buck Dharma dévaste tout pour clore cette affaire ?
Bon, les titres sont interprétés, comme souvent avec le BÖC, de manière assez fidèle par rapport aux enregistrements originaux, avec simplement (?) plus d’espace donné aux solos de guitare, ce dont personne ne se plaindra. Une exception notable, le classique ME262, dans une version beaucoup moins « rock’n’roll », plus « metal » pour le coup, plus déconstruite aussi, allongée jusqu’à huit minutes et demies. Après avoir aligné des versions mémorables de Cagey Cretins, Harvester of Eyes et Flaming Telepaths, le BÖC nous offre évidemment le classique des classiques, Astronomy : huit minutes de splendeur. « Hey ! Hey ! Hey ! Hey ! »
Il reste encore une heure de musique à écouter, et pas de la moindre, même si on sait qu’on a atteint des sommets indépassables. 16 autres chansons, qui comme les soirs précédents, permettent au groupe de proposer un mélange de classiques (Stairway To The Stars, Burnin’ For You, Godzilla, Don’t Fear The Reaper, Cities on Flame…) que nous avons déjà entendues jouées des dizaines de fois sur scène, et de chansons plus… originales, qui constituent évidemment le gros intérêt de cette seconde partie du concert. Du côté des quelques (légères) déceptions, on regrettera l’inclusion d’un Shooting Shark toujours bien anodin, ou des vocaux pas au top sur le rare Tenderloin. Mais on s’enthousiasmera totalement devant une version enchantée de The Alchemist, l’un des grands titres de The Symbol Remains (pourtant composée par Joe Castellano). Et puis réentendre I Love The Night – peut-être la plus belle composition de Buck Dharma – et Joan Crawford, quel plaisir…
S’il s’agit là du tout dernier « album officiel » du groupe, comme il semblerait que ce soit le cas, c’est un final en beauté que le Blue Öyster Cult nous ont offert. La classe absolue.
Eric Debarnot
Blue Öyster Cult – 50th Anniversary Third Night Live
Label : Frontiers Records
Date de sortie : 13 décembre 2024