Aussi talentueux que prolifique, le duo constitué par Ed Brubaker et Sean Phillips revisite, et réactualise, les histoires de satanisme qui, de l’Exorciste à Amityville, enflammèrent notre jeunesse.
Nathalie Burns fume trop. Si elle présente des troubles de mémoires, elle reste solide. Pour de fortes sommes, elle récupère, discrètement, car sans mandat, des gamins embarqués par des sectes. Intéressé par son passé, West, un agent du FBI, la tire de prison. Jadis, avec cinq camarades, elle a dénoncé les pratiques sataniques d’un centre de vacances. Les enfants ont été crus. La monitrice s’est suicidée, mais faute de preuves, l’affaire est retombée. Depuis, Nathalie vit mal. A-t-elle inventé toute cette histoire ? Or, trois des fameux « Six de Satan » viennent d’être assassinés. Nathalie et West se lancent sur les traces du tueur.
Récompensé par pas moins de huit Eisner Awards, Ed Brubaker alterne les polars pour Dark Horse et les comics de super-héros pour DC et Marvel. Nous lui devons le retour de Bucky Barnes, le partenaire du Captain America, que tous pensaient mort, sous le nom de Soldat de l’hiver. Avouons qu’il écrit bien. Ses personnages principaux sont denses. À son habitude, ils sont paumés, cabossés par la vie et hantés par leur passé… Des drames qu’une succession de flashbacks révèleront.
Le dessin réaliste de Sean Phillips s’accorde parfaitement à la noirceur du propos. Rapide et précis, il s’attarde sur des gros plans qui nous révèlent la détresse ou la noirceur, voire les deux, de ses malheureux héros.
Le cocktail de satanisme et de puritanisme, de théorie du complot et de dérives sectaires, de crimes rituels et d’emprise mentale, qui aurait pu être indigeste, fonctionne à merveille. Les pages filent et notre angoisse monte… Tout au plus, pouvons-nous regretter que la fin, pour être logique, nous laisse un peu sur notre faim.
Stéphane de Boysson