Sara Dellabella et Alessio Lo Manto reviennent sur épisode peu glorieux de notre Histoire, quand un millier d’émigrants juifs se sont vu refouler par Cuba et d’autres pays. Leur sort tragique illustre la lâcheté des nations face à l’horreur.
Mai 1939, le Saint-Louis, un paquebot allemand, appareille d’Hambourg avec 937 réfugiés juifs à son bord à destination de Cuba. Ayant vendu, à vile prix, tous leurs biens, ils quittent l’Allemagne sans idée de retour. C’est sans compter avec la lâcheté et la perversité des hommes. Sous la pression des nazis, le président cubain leur refuse le débarquement. Ils tentent de négocier avec les gouvernements sud-américains, américains et canadiens, qui, sous la pression d’opinions publiques hostiles à l’immigration, demeurent intraitables, alors qu’il est désormais certain, pour les esprits bien informés, qu’ils les renvoient à la mort.
Courageusement, Gustav Schröder, le capitaine du navire, s’engage de ne pas les ramener en Allemagne. Il envisage d’échouer son navire sur la côte anglaise. Les États français, danois et anglais accepteront, in extremis, de leur donner asile. L’année suivante, 250 d’entre eux seront rattrapés par l’invasion Allemande et périront en déportation. Voilà pour l’histoire.
Alessio Lo Manto pratique une ligne claire originale, légèrement anguleuse, dynamique et expressive. Il sait varier ses effets. Pour marquer les conflits et les peurs, il épure son trait et revient à une forme d’abstraction. L’ensemble est plaisant et facilite la lecture.
Si l’album cible les scolaires, il saura toucher un public plus large. Sara Dellabella développe une histoire à hauteur d’homme. Elle prend le temps de présenter quelques migrants. Afin de donner une figure au mal, elle introduit un espion nazi. L’objectif est pédagogique, il s’agit de faire mémoire, d’expliquer et de rappeler que, même pour un responsable Allemand, il était souvent possible de s’opposer à la barbarie.
Ainsi, le capitaine, le seul personnage historique, ne sera pas inquiété, à son retour, par les nazis. Il sera décoré en 1955 par la RFA et déclaré « Juste parmi les nations » en 1993.
Stéphane de Boysson