« Adastra in Africa », de Barry Windsor-Smith : un dessin éblouissant

L’histoire écrite par Barry Windsor-Smith est une œuvre visuelle forte, fascinante mais clivante. Ferez-vous partie de ceux qui adorent ou détesterez-vous ?

Adastra in Africa - Barry Windsor-Smith
© 2024 Delcourt / Windsor-Smith

Né en 1949 à Londres, Barry Windsor-Smith s’est fait connaître aux USA, notamment par son travail sur Conan le Barbare. Initialement conçu pour être un épisode de la franchise X-men, le scénario a été refusé par Marvel. L’histoire leur a semblé magnifier un suicide, l’ensemble était trop mystique. Des années plus tard, en 1999, l’auteur a repris l’idée pour en faire un épisode de sa propre série Young gods. Le personnage d’Adastra a pris la place de celui de Tornade, la mutante qui vole et joue avec les orages et les éclairs.

Adastra in Africa - Barry Windsor-Smith Tout en fines hachures, le dessin est extraordinaire dense, presque surchargé. Le trait est fin et précis, chaque détail est juste. Windsor-Smith alterne des pleines pages et des découpages inventifs. Le virtuose multiplie les angles et les plans, passe de la lumière à la pénombre. Certain de sa force, il ne s’interdit aucune difficulté, de la représentation d’une foule en colère à celle d’un orage de nuit sur la savane. Altière et arrogante, Adastra est une déesse extraterrestre convaincante, qu’elle soit représentée au cœur d’un éclair ou impériale sur un trône de cranes et d’os. Chaque planche est une véritable œuvre d’art. Relativement courte, l’œuvre mérite plusieurs lectures. Tout est beau.

Le scénario est moins convaincant. L’histoire est pourtant simple. La déesse Adastra surgit dans un pays africain ravagé par une terrible famine. Elle se tait. Seule une voix off décrit la situation dramatique des malheureux. Soudain, elle réveille l’esprit d’un illustre chamane de la tribu, qui redonne vit au pays. La flore renait, exubérante et généreuse. Mais, Adastra émet une consigne sévère : s’ils ne veulent pas retourner à la mort, les paysans doivent s’interdire tout recours aux machines des étrangers. Ils retourneront travailler leur terre, si fertile, à la main et à la daba.

Adastra s’exprime avec la pompe d’une déesse antique ou, plus près de nous, d’une reine shakespearienne. Elle nous sert une leçon sur la vie, l’écologie et la tradition, et, plus surprenant, la valeur du sacrifice. Je comprends le désarroi des censeurs de Marvel, on est loin de leur habituel divertissement. Ce monde est tragique et Adastra/Tornade manque cruellement d’humour, voire de simple fantaisie.

Ce n’est que dans les dernières pages qu’une Adastra désarçonnante, mais plus conforme à celle de la série originale, fend l’armure. Hélas, un peu tard.

Stéphane de Boysson

Adastra in Africa
Scénario et dessin : Barry Windsor-Smith
Éditeur : Delcourt
56 pages en noir et blanc – 15,50 €
Parution : 23 octobre 2024

Adastra in Africa — Extrait :

Adastra in Africa - Barry Windsor-Smith
© 2024 Delcourt / Windsor-Smith

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