Les Freluquets – La D​é​bauche : La ligne claire d’ici

En ce début d’année, le label brestois Too Good To Be True réédite La Débauche, album inaugural des Freluquets en forme de modèle de pop ligne claire made in France.

freluquets
Photo : Eric Martin

L’histoire de la musique est faite de et si. Par exemple : s’il n’y avait pas eu autant de temps entre le premier single des Freluquets et leur premier album réédité cette année avec une nouvelle pochette, la postérité parlerait-elle en premier lieu de Gamine comme figure phare d’une pop ligne claire à la française ? Car entre temps les Bordelais ont eu le temps de sortir leur premier album. Mais de toute manière Les Freluquets n’ont jamais eu d’hymne pop à la Voilà les anges en magasin donc…

Né à Perpignan, le groupe sort vainqueur d’un tremplin rock co-organisé par le disquaire Lolita et la défunte radio locale RMS. Ils gagnent le droit d’enregistrer un 45 tours. De Nos Jours sort en 1987 et est loué par les Inrocks. Si les maladresses du texte rappellent que la chanson politique est un art difficile, la musique a bien digéré l’influence de la pop anglaise indie de son temps.

Suivent trois années précédant le nouveau décollage parisien. Des discussions avec Virgin n’avaient rien donné. Le batteur Rodolphe Vassails s’installe seul à Paris et le groupe lui payait des billets d’avion pour les rejoindre en concert. Un remplaçant de Vassails est testé, en vain. Le guitariste Philippe Lavergne décide alors de rejoindre Vassalis à Paris pour y reformer le groupe, laissant 3 ex-membres à Perpignan. Vassalis a déjà sous la main le bassiste Patrice Rul, et le chanteur Stoyan C.

Dès que la nouvelle version du groupe a eu assez de morceaux, elle les enregistre en 8 pistes. Le fanzine In The Rain les met en contact avec le label Rosebud qui les signe. Denis Colson intègre le groupe comme lead guitarist et l’enregistrement du premier album peut débuter. Les sessions se font en quatrième vitesse entre Noël et le Jour de l’an avec pas assez de chansons pour faire une sélection selon Lavergne.

Pour surfer sur le succès d’estime de De nos jours le groupe conserve son nom alors que son identité a en partie évolué entre temps. Il y avait encore un décalage entre le texte du premier single et sa musique au parfum insouciant. Si La Débauche reste dans un registre ligne claire, la mélancolie de sa musique est au diapason de celle des textes.

Même si l’ironie peut exister dans le choix des titres de morceaux. 11 août pour un instrumental inaugural avec des notes de piano au parfum d’automne. Une Love Story dont la chanson raconte qu’elle peut laisser sad and dirty (triste et sale). La Débauche mêle ensuite arpèges de guitare cristallins, un intermède wah wah et un rythme martial New Wave. Memorie fait se rencontrer le beat de Be my baby des Ronettes et Lloyd Cole. L’Esprit Du Temps achève la Face A comme elle a débuté, en mode instrumental.

La Face B débute avec Les Portes et sa basse proche du Voyage de Gamine. Et un en toute horreur tout seigneur, trait d’humour que n’aurait pas renié le Rock anglais de l’époque. Les guitares de L’Oubli évoquent de nouveau l’auteur de Forest Fire. Après un Si un peu plus faible que les titres le précédant, la Face B s’achève en terres instrumentales avec Warda.

La forte présence d’instrumentaux raconte le manque de morceaux à disposition. Mais l’album tient quand même, respectueux de l’esprit et de la lettre de ses modèles. Il arrivait sans doute un peu trop tard, alors que le Shoegaze, Madchester et le Grunge pointaient le bout de leur nez.

En bonus, les versions démo de trois morceaux de l’album et celle de Du sable dans mes chaussures (publié sur l’album suivant du groupe) sont présentes car appartenant aux démos ayant permis la signature par Rosebud. Avec une qualité de son les rendant difficilement écoutables, en dépit du remastering. Bristol et Bataille appartiennent quant à eux au fameux deuxième single jamais publié. Une radio avait en effet détruit malencontreusement les bandes avant le pressage du disque. Mais Lavergne a fini par les retrouver sur cassette. Ce sont deux morceaux de sessions datant de l’hiver 1987. Deux morceaux moins inspirés que De nos jours, révélateurs de l’impasse de la première mouture des Freluquets.

Après La Débauche, Stoyan C est débarqué du groupe, à la fois à cause de ses textes, de son caractère et du statut de nouveau Philippe Pascal que la presse musicale lui a attribué. Un statut en désaccord avec la vision de Lavergne. Viendront l’album Discorama et la séparation.

Reste donc cette Débauche, témoignage du fait qu’une pop ligne claire française n’ayant rien à voir avec ses passages à travers le filtre de la variété (parfois estimables, comme Daho) a été possible à un moment donné.

Source biographique : interview de Philippe Lavergne sur le site Requiem pour un twister.

Ordell Robbie

Les Freluquets – La D​é​bauche
Label : Rosebud/Too Good To Be True
Date de parution : 1990
Réédition : 17 janvier 2025

 

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