Vanessa Springora voyage à travers l’Europe et remonte le temps pour retracer le parcours de son grand-père et découvrir le secret de son nom de famille. Un récit passionnant dans lequel l’autrice porte un regard croisé sur plusieurs époques.
C’est le genre de récit que la littérature moderne aime nous offrir régulièrement et que l’on aime également lire, un genre presque à part entière, qui consiste, pour un auteur, à se plonger dans l’histoire et les secrets de sa famille pour y découvrir des choses plus ou moins mystérieuses, et tenter parfois de comprendre pourquoi et comment les choses sont arrivées. C’est le cas de Vanessa Springora avec Patronyme, qui sort cinq ans après Le consentement, livre qui restera comme un des ouvrages importants de l’ère post #metoo.
Au moment où parait Le consentement, Vanessa Springora apprend la mort de son père, très exactement le 8 janvier 2020. Patrick Springora vient de mourir, seul, dans l’appartement où il avait vécu en compagnie de sa mère, décédé quelques années auparavant.
Fille unique de cet homme complexe, avec lequel l’autrice a toujours entretenu des rapports compliqués, elle doit s’occuper de vider l’appartement, ce deux pièces à Courbevoie dans lequel va découvrir un véritable taudis. Seule la chambre de sa grand-mère est préservée.
Dans le fatras d’affaires, elle va tomber sur des objets de toutes sortes, dont certains vont lui en apprendre un peu plus sur la sexualité de son père, homme affabulateur et mythomane. Elle va aussi trouver deux photos de son grand-père, Josef, posant en tenue d’escrimeur, avec sur l’épaule droite, l’aigle nazi et une croix gammée. Ce grand-père pour lequel elle avait beaucoup affection lorsqu’elle était enfant.
L’écrivaine va alors se lancer dans une longue et minutieuse enquête pour découvrir les origines de son nom pour tenter de retracer le parcours de son grand-père.
Elle va découvrir au cours de ses investigations, un passé qu’elle ne connaissait pas, celui d’un homme né en Tchécoslovaquie, enrôlé dans la Wehrmacht, qui viendra ensuite se cacher en France, plus exactement en Normandie, où il rencontrera sa future épouse.
Qui était vraiment ce Josef Springora, né en réalité Springer ? A-t-il été en nazi ? Jamais la question de son passé n’a pu être élucidée de son vivant. et puis ce nom, Springora, d’où vient-il exactement ?
Comme Julia Deck dans Ann Angleterre et d’autres écrivains encore avant, Vanessa Springora remonte le temps à travers un récit précis et éclairant, faisant un voyage à la fois mental et physique entre la France, l’Allemagne et la République Tchèque, pour tenter de reconstituer le parcours d’un homme pris en étau entre les fascistes et les communistes, pour tenter de découvrir la part d’ombre de son grand-père.
Un travail de longue haleine pour cette autrice qui avance pas à pas dans son enquête faite de rencontres, de surprises et de déceptions. Elle pose en permanence un regard croisé sur l’époque ancienne et notre époque actuelle, sur le parcours de ces personnages qu’elle suit à la trace, essayant toujours de prendre de la hauteur par rapport à l’histoire qui se dessine dans sa tête.
Un récit à la fois beau et troublant, qui se présente aussi comme un miroir pour lecteur, où chacun pourra confronter sa propre histoire à celle de sa famille, dont certains membres ont pu vivre des périodes troubles durant leur existence, et qu’ils ont peut-être, eux aussi, voulu cacher à leurs proches.
Benoit RICHARD