A l’occasion de son très attendu et très réussi premier album, Swirl, nous avons pu rencontrer Flora Hibberd, autrice-compositrice anglaise vivant à Paris, dont nous avions pu apprécier la présence sur scène.
Benzine : Flora, tu es anglaise, tu t’es installée à Paris… Pourquoi ?
Flora : Je suis originaire de l’Est de Londres, où j’ai toujours vécu jusqu’à déménager ici en 2013, la première fois, pour faire une année sabbatique avant l’université. J’étais fan de Jacques Brel, je voulais être à Paris pour profiter des musées… J’ai passé un an ici, j’ai aimé tout ce que j’ai découvert, la communauté, les amis que j’ai fait, l’ambiance, la manière de vivre. En retournant à Londres, je n’ai pas retrouvé la même satisfaction. Alors j’ai fait un an d’études, je me suis rendu compte que je voulais faire de la musique. Après quelques années à voyager, entre Paris, l’Espagne et l’Italie, je suis revenue en 2017 à Paris, j’avais la sensation d’y être chez moi : même si c’est une grande ville où tout va très vite, j’adore cette énergie, dans tous les différents coins de Paris où j’ai habité, avec des ambiances différentes dans chaque quartier. J’ai l’impression de tomber dans les clichés romantiques quand je parle de Paris, mais ils sont quand même réels : flâner, boire le café en terrasse…
Benzine : Et comment ça influence ta musique ?
Flora : J’aime beaucoup la musique française, en langue française, mais ce n’est pas ça, en fait, l’important. C’est surtout l’impression d’être toujours en position de découverte. Mon compagnon est français, et chaque fois qu’il m’apprend quelque chose sur la culture française, je me dis que je n’aurai jamais le niveau de connaissance qu’à un écolier français (rires). Quand on ne vit pas dans son pays, on a toujours des choses nouvelles à comprendre, on fait beaucoup de bêtises, à cause des différences culturelles. Cette énergie nécessaire à la découverte, elle m’excite, elle me nourrit, elle m’aide à trouver du matériel pour écrire…
Benzine : Comment en es-tu venue à la musique ?
Flora : Mon père est très « musique », il a toujours chanté beaucoup de chansons folk dans la maison, avec lui j’ai compris la tradition folk, qui repose sur la transmission orale, et ça m’a donné très tôt une oreille musicale. En plus, je suis très intéressée par le langage et ses subtilités.
Benzine : Et tes influences ?
Flora : A 13 ans, mon père m’a appris la guitare, et j’ai été influencée par les gens qu’on écoutait à cette époque-là, comme Laura Marling, Johnny Flynn, puis les classiques comme Joni Mitchell, Bob Dylan… Quand tu es dans une habitude de « consommer » des choses qui peuvent être inspirantes, des images, de la poésie, un film… tout peut être très fertile, tout est prêt à être transformé, à être une inspiration. J’aime me réapproprier des choses que je vois, que j’entends, en prenant en compte ma vie intérieure et celle des gens autour de moi…
Benzine : Tu as utilisé le mot de « transmission »…
Flora : Ce que je trouve passionnant dans la transmission, c’est son aspect très démocratique. Tout le monde peut y avoir accès. Dans les chansons folk traditionnelles, on trouve des histoires de gens réels, des histoires qui peuvent venir des siècles passés : c’est comme communier avec des fantômes, ça revient à réimaginer le temps. Souvent les choses sont encore entendables comme elles l’étaient déjà à l’origine…
Benzine : Swirl, c’est ton premier album… C’est quoi qui est au centre ?
Flora : C’est mon premier album complet, après des EPs. Dans le presskit, on utilise le mot de « communication », ce qui est vague, et peut être appliqué un peu à tout. C’est un tourbillon de paysages intérieurs, ce qui confère une impression d’intensité à la personne qui écoute. Il y a un mélange d’états d’esprit différents.
Dans n’importe quelle œuvre d’art que j’aime, je reconnais l’existence d’un monde particulier : j’ai eu cette idée la première fois en écoutant Springsteen, je me suis dit que, même si ses chansons sont bien entendu différentes, elles existent toutes dans un monde déterminé, particulier. Quand je pense que mes chansons sont réussies, c’est qu’elles décrivent quelque chose qui m’est particulier, et que je n’arriverais pas à exprimer autrement. Toutes les chansons dans l’album ne réussissent pas à faire ça, mais quand je les aime, c’est qu’elles font ça.
Benzine : Quelles sont les chansons de l’album qui te satisfont dans ce sens là ?
Flora : Canopy, l’un de singles, la cinquième chanson sur le disque… Ce ne sera sans doute pas la plus écoutée, mais c’est pour moi l’une des plus réussies. Quand je la chante, ou même quand je l’entends, ça me remet immédiatement dans le monde où j’existais quand je l’écrivais. Tout n’est pas explicite, ni compréhensible, la narration est abstraite, mais la chanson regroupe des images qui me ramènent à un lieu et à un temps.
Benzine : Quelle a été ta démarche pour cet album ? Est-ce qu’elle diffère de ton approche sur des enregistrements précédents ?
Flora : Il y a une divergence complète avec ce que je faisais avant. Pour mes deux EPs précédents, j’ai arrangé les chansons avec mon compagnon. J’écris une chanson, je lui envoie une maquette épurée, et ensemble, on dirige la chanson vers une atmosphère spécifique… Lui du côté technique, moi en cherchant les images que je voudrais évoquer. Les EPs ont été créés en mode DIY, dans une ferme de sa famille en Bourgogne, dans son bureau avec peu de moyens. On a signé avec 22TWENTY, le label américain, et ils ont signé pour qu’on aille enregistrer aux Etats Unis, dans le MidWest, avec un producteur génial, Shane Leonard. Du coup, avec plus de moyens, avec la créativité de Shane, on est arrivés à quelque chose de bien plus proche à ce que j’ai toujours voulu pour mes chansons. Cette nouvelle direction, c’est aussi grâce à la créativité du producteur et des musiciens… Ce disque est à mon nom, mais c’est le résultat de la collaboration de tout un tas de personnes.
Benzine : L’Art, c’est un réseau au centre duquel les artistes sont, ce qui rejoint le thème de la communication dont tu parlais plus tôt…
Flora : Oui, et c’est aussi l’un des grands plaisirs de ce métier que de rencontrer des gens, de créer ces relations. C’est beau de pouvoir travailler avec des gens qui ont de belles intentions. Quand j’écoute ce disque, j’écoute la production, je n’ai pas le sentiment de m’écouter moi, mais d’écouter des musiciens qui jouent ensemble.
Benzine : Cet album, il va falloir le jouer en live : comment tu approches un disque qui a été produit, réalisé avec des collaborateurs ?
Flora : C’est une discussion permanente… On a un groupe de quatre personnes, on rajoute une cinquième quand on peut, qui joue de la pedal steel, ce qui est la cerise sur le gâteau. On a une résidence cette semaine pour justement travailler sur ça. Mais en fait, c’est une nouvelle collaboration, avec de super musiciens, une super ingé son. Ça peut être difficile, frustrant, mais c’est surtout très joyeux ! C’est sympa d’écrire des chansons dans sa chambre, mais quand tu entres dans un dialogue avec d’autres personnes, c’est le VRAI moment !
Benzine : Il y a une date prévue à la Boule Noire, avec J. E. Sunde !!!
Flora : Il a même joué sur l’album…
Benzine : Une question amusante pour finir : qu’est-ce que tu aurais fait si tu n’étais pas devenue musicienne ?
Flora : Quelque chose dans le langage, je pense, j’ai toujours voulu être écrivaine. En boulot alimentaire, je fais de la traduction, je traduis du français à l’anglais des textes de l’Histoire de l’Art. Des biographies d’artistes femmes, qui ne sont pas aussi connues qu’elles le mériteraient. J’aimerais bien faire ça de manière plus créative, traduire de la poésie, des romans.
Propos recueillis par Eric Debarnot le 13 janvier 2025
LES CONCERTS A VENIR :
18/01/25 – ARGENTEUIL (95) – Musée Sauvage
21/01/25 – PARIS (75) – FGO Barbara – Audition Inouïs du Printemps de Bourges
22/01/25 – PARIS (75) – Balades Sonores (showcase – duo)
24/01/25 – LONDON (UK) – Rough Trade Denmark Street (showcase – duo)
29/01/25 – DUNKERQUE – We Will Folk You (duo)
01/02/25 – PARIS – Médiathèque Violette Leduc (duo)
16/02/25 – GRENOBLE (38) – Le Ciel (duo) – Avec Raoul Vignal
24/03/25 – PARIS – LA BOULE NOIRE (+ J.E. SUNDE)