Grande prêtresse arty depuis ses débuts, FKA Twigs s’offre avec EUSEXUA un nouveau périple musical qui la voit parcourir des terrains techno et rave pour ajouter un peu d’ambiance club à sa musique exigeante et hypnotique. De quoi devenir plus accessible ? Oh que non.
Artiste fascinante car insaisissable depuis le début de sa carrière, FKA Twigs s’est construit une discographie de tout premier plan au fil des publications. De la claque des débuts avec l’OVNI LP1 au minimalisme christique de l’immense Magdalene en passant par la mixtape R&B indie Caprisongs, la britannique a toujours su conserver son image arty peu importe le chemin emprunté. Une volonté de se réinventer à chaque projet en découvrant de nouveaux horizons pour mieux les incorporer à son univers pop avant-gardiste. EUSEXUA ne déroge évidemment pas à cette règle et voit Twigs partir cette fois à la conquête de la musique techno et ses déclinaisons.
Une sphère qui ne lui est pas totalement inconnue puisque les éléments électroniques font partie intégrante de son ADN, comme en attestait déjà son premier « tube » Two Weeks ou encore ses nombreuses collaborations avec des sommités du genre abstract que sont Arca et Nicolas Jaar.
Seulement ici le curseur est bien plus poussé, il ne s’agit plus uniquement de bidouiller des bouts de mélodies ou d’échantillons mais bien de mettre les deux pieds dans le monde club.
Pas de quoi faire peur à mademoiselle à priori, le ton était donné dès les premiers extraits. D’abord Eusexua, introduction/morceau éponyme/premier single venu poser le concept avec sa petite envolée EDM. Puis son miroir Perfect Stranger au rythme un peu plus soutenu mais construit sur ce même esprit chant lévitant x ambiance dance hypnotique + lyrics sur l’épanouissement personnel et la liberté totale. Plutôt efficace à défaut de provoquer l’ébahissement.
Sentiment qui se confirme finalement sur la totalité du disque. On ne peut rien véritablement reprocher tant le travail est soigné, confié à des maitres en la matière. La production passe par les mains et les cerveaux de Koreless, Ojivolta, Jaar, Jeff Bhasker, Stargate et FKA Twigs elle-même bien sûr, une liste de gens ultra-compétents pour créer une ambiance homogène en même temps que de faire dans le hit underground.
Et cette volonté de remplir à la ligne un cahier des charges préalablement établi empêche peut-être d’apporter la profondeur, le relief qui faisait la richesse et la magie des prédécesseurs.
Là où l’on avait une succession de strikes auparavant, il faut composer ici avec des temps plus faibles, des choses moins surprenantes qui peinent à pleinement retenir l’attention. On pense à l’enchainement trop propret Sticky-Keep It Hold It qui a le malheur d’être placé au cœur de l’album et en casse fatalement la marche après quatre cinq morceaux pourtant prometteurs.
On préfèrera à ses deux tracks sus-cités un titre comme Childlike Things pourtant plein de sucres mais qui a le mérite de tenter quelque chose au moins avec cet essai limite k-pop où North West (fille de Kanye) vient poser un couplet rap en… japonais. A retenir également le très 90’s Girl Feels Good qui s’inspire autant de Bjork de l’époque que de Madonna.
Mais c’est clairement par les compositions plus brutes que passent le salut d’Eusexua à l’arrivée. Le très réussi Drums of Death et le plus trap Striptease en sont les deux garants principaux par leurs drums et leurs basses lourdes quand 24hr Dog appuie également plus fort sur les synthés. On retrouve la lumière à tous les étages pour de vrais grands moments de plaisir.
Trop forte pour être faible, ce serait très sévère de dire que l’album est raté. On est quand même en terme de qualité intrinsèque sur un objet de très bonne tenue. Seulement les standards auxquels FKA Twigs avait habitué son auditoire sont tellement élevés en terme de sophistication qu’il y a un petit goût de trop peu ici.
Alexandre De Freitas