Film sur la cinéphilie, Spectateurs !, le dernier Desplechin ressemble à une master class, une ode au cinéma autant qu’une quête de l’émotion primaire, lorsque les lumières s’éteignent : il s’agit finalement moins de parler de cinéma que de sa réception par son spectateur…
Documentaire de forme libre, hybridation entre l’essai, la reconstitution et la confession, Spectateurs ! pourrait être considéré comme une masterclass de Desplechin, durant laquelle on lui aurait donné les moyens d’illustrer ses propos par la magie du sujet qu’il traite.
Son amour du cinéma va donc nourrir un parcours profus, où il évoquera sa propre expérience, les films qui l’ont marqué, et la manière dont certaines projections ont nourri sa vie sentimentale. Car les références, en ce qui concernent sa propre initiation ont beau être prestigieuses (Cris et chuchotements, Les Petites marguerites, Shoah), il s’agit moins de parler de cinéma que de sa réception. Face à la caméra, d’autres spectateurs révéleront les bouleversements culturels, émotionnels ou les révélations qu’une projection a pu leur apporter, tandis que le cinéaste recrée certaines de ses propres expériences, enfant ou adolescent. Nulle hiérarchie dans les références, Die Hard croisant Pialat, Lanzmann ou Spielberg. L’occasion de convoquer une nouvelle fois son alter ego Paul Dedalus, qui prend plusieurs visages pour épouser la pluralité des réceptions.
Film sur la cinéphilie, Spectateurs ! est une ode au cinéma autant qu’une quête de l’émotion primaire, lorsque les lumières s’éteignent pour laisser le projecteur prendre le relai, et faire scintiller la réalité de significations multiples. Certains des plus beaux plans de l’histoire du cinéma (du Temps de l’innocence, ou du fameux reflet de De Niro sur le lac de montagne dans Voyage au bout de l’enfer) cohabitent ainsi avec le plein cadre sur ceux qui les contemplent, reprenant, sous forme d’essai, l’ode à l’émotion déjà en jeu dans des œuvres de fiction comme Cinema Paradiso ou, plus récemment, The Fabelmans et Fermer les yeux.
Desplechin, même s’il convoque des figures de proue comme Stanley Cavell, ne pérore jamais du haut de sa posture de cinéaste : il est assis dans la même salle que ceux qu’il filme, et montre que tout artiste est avant tout un dévoreur de l’expression de ses aînés.
Et que pour le cinéphile, les bons films se voient trois fois : pour découvrir, admirer et apprendre.
Sergent Pepper