Pascal Quignard fait ses gammes à propos d’une femme qui enterre son chat, trouve un trésor qui lui permet de voyager, de rencontrer un homme en Italie et de voir sa vie transformée. L’écrivain ressasse les mêmes thèmes et « intrigues » de ses précédents romans et écrits.
Un tube français des 70’s avait comme refrain Wight is Wight – Dylan is Dylan, autant dire qu’une fois refermé Trésor caché cette mélodie vous revient mais vous chantonnez « Ischia is Ischia – Quignard is Quignard », seule différence Pascal Quignard n’a pas encore eu le Nobel, ce qui doit désespérer certains de ses admirateurs et son éditeur.
Pour le primo lecteur de cet immense écrivain, Trésor caché sera sans aucun doute une épiphanie et l’incitera à se plonger dans l’œuvre du monsieur (plus de 4 pages à la fin du livre). Il pourra ainsi gouter les récits brefs de son œuvre amiral Dernier royaume (12 tomes), découvrir ses romans les plus célébrés comme Le Salon du Wurtemberg, Tous les matins du monde, Villa Amalia et se faire engloutir par le très bel ouvrage La nuit sexuelle et sa magnifique iconographie.
En revanche, pour celui qui suit Quignard depuis des années, la question se pose de lire ou non Trésor Caché ? Non pas que cela soit un livre qui vous tombe des mains, loin de moi ce propos, mais n’avons-nous pas d’autres belles choses à découvrir, notre bande passante de lecteur restant malgré tout limitée ? Après vous aurez toujours des lecteurs, qui au même titre que les fans d’Amélie Nothomb, achèterons tous les ans le nouveau Quignard et nous ne sommes pas là pour leur jeter la pierre. La même névrose existait pour les exégètes de Franck Zappa qui achetaient religieusement tous ses disques (quelque soit leur intérêt) et le bougre arrivait parfois à en sortir quatre par an…
Pascal Quignard creuse son sillon de grand écrivain comme pouvait le faire Pierre Soulages en tant que maître de la peinture. Ainsi lorsque celui-ci utilisait « ad nauseam » du brou de noix ou du goudron pour peindre ses grands monochromes, la force de certaines toiles peut vous séduire mais en revanche lorsqu’il s’agit d’en voir plus d’une dizaine à la suite (à Rodez notamment), cela finit par lasser. Il en va de même pour Quignard qui use et abuse des mêmes procédés, depuis des années, dans son écriture sans vraiment se renouveler : on y raconte ses rêves, ses traumas de petite enfance , son gout pour les chats, on aime faire assaut d’érudition (souvent absconse pour le commun des mortels), on aime y décrire des jardins au bord de l’Yonne, on aime user de trivialité, de description sensuelle assez crue en opposition à la préciosité ambiante, on aime lister les noms des églises, on parle de musique baroque, de Bach (souvent), on saupoudre de mythologie, de héros médiévaux, de la mémoire de l’origine pour qu’à la fin la suavité de l’ensemble finisse par tourner à la transparence. Je suis certain que cela fera le nanan des universitaires qui suivent son œuvre en revanche pour le lecteur lambda c’est un peu plus compliqué de toujours lire le même livre et de ne toujours rien comprendre aux mêmes endroits (les rêves notamment).
Revenons donc à ce dernier opus : Trésor caché est le deuxième volet de la franchise de Villa Amalia (2006 – Gallimard). C’est, à ce titre, le grand retour d’Ann Hidden, incarnée par Isabelle Huppert dans le film réalisée par Benoit Jacquot en 2009.
Dans Trésor Caché, le personnage féminin qui s’appelle Louise nous renvoie à son héroïne précédente qui elle aussi aimait les chats, s’extasiait sur le jardin de sa maison sise au bord de l’Yonne (l’auteur a une maison à Sens), exerçait dans le milieu artistique (Louise travaille dans une maison d’édition, Ann était musicienne), avait un passé familial complexe (un must !), vivait seule mais n’avait pas froid aux yeux quand il s’agissait de laisser parler sa sensualité, adorait les iles italiennes en mer Tyrrhénienne et notamment Ischia (ici cela débute à Procida…c’est en face) et j’allais oublier ne rechigner pas à boire du vin blanc frais.
On peut se demander si l’auteur quand il écrit certains de ses livres n’a finalement qu’en tête les lieux qu’il fréquente et les personnages de son microcosme proche (comme Proust d’ailleurs) : ce qui limite en soi son travail imaginaire et même si nous savons que l’auteur est plus un styliste érudit et féru de psychanalyse (sur la mémoire de l’origine notamment) qu’un raconteur d’histoire.
Voici en quoi tient le récit « Une femme perd son chat. En l’enterrant dans son jardin, elle met au jour un trésor. Elle voyage. Elle rencontre un homme en Italie. En l’espace d’un an, sa vie est entièrement transformée. » Je tiens à préciser que Quignard n’est pas encore l’héritier de Stevenson ou Conrad mais il a plutôt repris le thème de Villa Amalia celui d’une femme qui part au-devant de ses désirs et d’une autre vie rêvée : Ann Hidden abandonnait tout pour partir dans une île. Nous suivons donc Louise au cours de ses pérégrinations tout en partageant ses états d’âme.
La quinquagénaire tombe amoureuse d’un homme de soixante-deux ans déjà au seuil de sa vie, devant faire face au décès de sa mère (un grand classique « quignardien ») et vivant dans une ile. L’héroïne, pas en reste, devra, elle aussi, faire face à son passé familial si on a bien compris ce qui nous avons lu.
Trésor caché recèle évidemment des moments de grâce contemplative, des belles pages de littérature, des réflexions sur la vie, etc… mais comme déjà expliqué, il en faut un peu plus pour intéresser un lecteur qui est familier de l’univers de Quignard.
Les admirateurs de Quignard y trouveront leur compte et se prosterneront devant l’autel, certains commenceront à s’en lasser (moi par exemple) et les nouveaux lecteurs découvriront un univers littéraire singulier qui j’espère les amènera à lire les premières œuvres remarquables du monsieur.
Éric ATTIC