« La Voyageuse » de Hong Sang-soo : le voyage immobile

Avec La Voyageuse, Hong Sang-soo retrouve ses dispositifs faits de variations et de correspondances, ainsi qu’Isabelle Huppert. Mais il ne réussit pas à s’extraire de l’impasse artistique de ses derniers films.

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Après un trio de films décevants exploités en France, Hong Sang-soo revient en salles avec La Voyageuse, Ours d’argent 2024. Le film est divisé en trois parties. Deux premières débutant en lieux clos, se finissant à l’extérieur et avec un instrument de musique jouant un rôle dans le récit. Dans chacune des deux, Iris (Isabelle Huppert) donne un cours de français afin de pouvoir joindre les deux bouts financièrement. Le premier à la jeune Yeon-hee (Jo Yoon-hee). Le second à la plus âgée et plus aisée Won-joo (Lee Hye-young) alors que le mari de cette dernière est présent.

Iris questionne ses élèves sur leurs états d’âme avant de les retranscrire en français. Le but étant d’établir une connexion intime entre ses élèves et la langue de Molière. Une méthode peu orthodoxe qui prive du charme du cinéma du Coréen. Dans ses meilleurs films, quelque chose de souterrain est suggéré quitte à ce que cela explose à la faveur d’un verre de soju de trop ou d’un mot de trop. Ici, la manière d’arracher la tristesse aux personnages par la parole a quelque chose de laborieux, de forcé.

À côté de cela, on a des moments où Iris se balade en électron libre en extérieur. Avec un gilet vert correspondant parfois au vert du décor, parfois à la verdure des parcs. Comme pour en faire une figure fantomatique se fondant dans le décor.

Tout en entretenant des correspondances avec les deux premières, la troisième partie va chercher à briser le programme des deux précédentes sans totalement fonctionner. Iris vit chez In-geok (Ha Seong-guk), apprenti poète et amant plus jeune qu’elle. Une situation qui agace la mère d’In-geok. Le film retrouve alors un peu de la verve du cinéma de Hong lorsque la querelle mère/fils se cristallise autour de l’idée de vivre sa vie avec sincérité. Une verve que le film perd sur une fin dont la narration de conte a quelque chose d’artificiel.

Spoiler
Iris joue de la flûte dans le parc et In-geok fait mine de l’éviter. Mais il finit par céder à l’envoûtement. L’ascendant d’Iris pointé par la mère d’ In-geok a fait son effet.

On ne va pas voir un Hong Sang-soo en espérant une révolution copernicienne de son cinéma. Mais La Voyageuse témoigne du moment où le Coréen a perdu l’esprit de son cinéma tout en ayant conservé sa façade.

Ordell Robbie

La Voyageuse
Film coréen de Hong Sang-soo
Genre : Drame
Avec : Isabelle Huppert, Lee Hye-Young, Kwon Hae-hyo
Durée : 1h30min
Date de sortie en salles : 22 janvier 2025