Iggy Pop – Live at Montreux Jazz Festival 2023 : « foutus moustiques ! »

L’âge fait du mal au corps d’Iggy, comme pour chacun d’entre nous. Mais les années n’entament nullement la flamme du rock’n’roll dans son âme, comme il l’a montré une fois encore en 2023 au Festival de Montreux… Avec des cuivres…

MONTREUX JAZZ FESTIVAL 2023
Crédit photo : Vincent Guignet / Copyright earMUSIC

En juillet 2023, Iggy donnait un concert à Montreux dans la foulée de son album Every Loser, devant un public conquis d’avance. Avec ce live capté lors de la 57ème édition du Jazz Festival, l’Iguane relève le défi de surprendre encore et de maintenir la flamme. Comme à son habitude, l’animal ne s’épargne pas. Certains se souviennent d’un précédent concert sur la scène suisse, lorsqu’il perdit une dent dans l’affaire… »Je donne un petit plus à chaque fois que je joue à Montreux. En 2023, j’ai enregistré des titres très importants comme Mass Production, Endless Sea, Five Foot One et j’ai transpiré énormément. L’auditorium Stravinsky est spécial, comme Carnegie, The Garden ou l’Opéra de Sydney. J’ai plongé dans tous ces endroits. » La performance est désormais disponible en format audio et vidéo, le Blu-ray avec le titre Rune en bonus, offrant ainsi un catalogue de jolis morceaux de bravoure.

Iggy MontreuxD’emblée, la setlist séduit tant elle promet un joli voyage dans une carrière heurtée et singulière. Rendons hommage aux sept musiciens de la soirée : Florian Pellissier aux claviers, Tibo Brandalise à la batterie, Kenny Ruby à la basse, Grégoire Fauque et Sarah Lipstate aux guitares, Leron Thomas à la trompette et Corey King au trombone. En si bonne compagnie, Iggy assure le show en déroulant ses classiques avec une énergie qui laisse pantois. Dès l’ouverture avec Five Foot One, Iggy tombe le gilet noir pour parader torse nu, gratifiant son public de deux majeurs et d’un « Hey motherfuckers, kiss my ass« ….on sourit en coin devant ce cirque en sachant bien que l’Iguane sacrifie à sa légende de jeune fauve, mais l’essentiel n’est pas là. Aurons-nous simplement droit à un chouette concert du vieux briscard ? Tandis que des écrans latéraux affichent des photos variant selon l’époque, l’Iguane tient encore la scène, le corps tordu par cette foutue vieillesse, gesticulant à grands coups de « Fuck !« … Et il claque bien son monde.

Pour la moitié du show, les titres incendiaires des Stooges font leur petit effet sur scène, de T.V Eye à Down on the Street, sans oublier la torche Raw Power que l’on retrouve avec plaisir avec son piano trépidant. Porté par une basse hypnotique, Gimme Danger prend feu sur une furia de guitares… et de cuivres dont on se demande quand même ce qu’ils viennent faire ici… « Pas un putain de voyage à la plage ! » hurle Iggy pour lancer Death Trip ! On confirme, mais les cuivres tombent encore un peu comme une perruque dans la soupière. Encore plus surprenant, Sick Of You commence en mode jazz avant de muter brusquement en Frankenstein sonore et métallique, pour retrouver son calme au final.

Sur une version énergique,de I Wanna Be Your Dog, Iggy Pop se roule par terre sous les vivats et les chœurs du public, histoire de sacrifier à l’exercice désormais culte. Puis Search and Destroy et Down On The Street balancent bien encore une fois. Avec un son excellent, ces folies punk sonnent impeccablement… mais perdent quelquefois de leur rage originelle, à cause de ces cuivres incongrus, et surtout d’être finalement trop sages et très domptés. Loose en est de nouveau la démonstration : on est loin de l’expérience démente et démontée du saxophone de Steve MacKay sur Fun House, bien plus dissonant et sauvage. C’est à mon humble avis le travers agaçant de ce concert. Pas frapper….

Une autre partie de la setlist repose sur des titres fameux, ceux de la période heureuse quand son ami Bowie l’accompagnait en studio. The Passenger reprend du service, occasion pour Iggy d’échanger avec le public, mais encore une fois pourquoi ces cuivres ? A la suite, Lust For Life déroule bien sans surprise. Et Iggy chante avec un jeunot, qu’il fait monter sur scène, pour mieux faire rugir l’Auditorium Stravinski, complètement chaviré. Un fantôme surgit alors quand Mass Production débarque, Iggy chantant de sa voix de crooner gothique dans un écrin de rock industriel. Sur ce coup-là, les cuivres accompagnent bien la chanson en dérivant à la suite de ce ravage erratique, mais, par contre, ils gâchent un peu Nightclubbing, qui suit, avec une rythmique et des guitares implacables, quand même discrètement écourté. Enfin, Iggy puise dans son répertoire solo. Le lancinant Endless Sea est joliment réussi, sur un chant hypnotique : un joli moment du show. Apparaissent aussi des chansons plus récentes, telles que le robuste Modern Day Ripoff et l’énervé Frenzy, qui conclut très bien l’album en invitant Real Wild Child (Wild One) dans les derniers soubresauts du show.

Pour ce chouette concert, Iggy joue sur du velours et déroule ses classiques. Avec plus d’un tour dans son sac, cette bête de scène assure, à l’aise, le spectacle attendu : « Et maintenant nous sommes intimes… » s’amuse-t-il sur I Wanna Be Your Dog. Bonne soirée donc… Avec son groupe très affuté, l’Iguane nous fait un joli cadeau. Mais c’est moi ou bien tout le monde a cette même désagréable impression d’une attaque de moustiques lorsque ces satanés cuivres s’invitent dans la danse ?

Amaury de Lauzanne

Iggy Pop – Montreux Jazz Festival 2023
Label : Fondation du Festival de Jazz de Montreux under exclusive license to earMUSIC
Date de parution : 24 janvier2025

 

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