Delphine et Muriel Coulin ont adapté le très beau roman de Laurent Petitmangin (Ce qu’il faut de nuit) en se concentrant d’abord sur la lente dislocation d’une famille face à la dérive nationaliste d’un des deux fils, quitte à aborder trop sommairement les mécanismes insidieux d’un repli identitaire.
Il y a Louis, le cadet, qui brille dans ses études et va peut-être intégrer la Sorbonne. Il y a Félix, dit Fus, l’aîné, qui végète dans un IUT en métallurgie et se rapproche peu à peu de groupuscules d’extrême-droite. Et il y a Pierre, leur père, qui les élève seul depuis la mort de leur mère. Ce père qui, pétrit de valeurs progressistes, assiste impuissant à la dérive nationaliste de l’un de ses fils. Ce père qui n’a rien vu venir… Ce père qui ne comprend pas, lui le technicien à la SNCF encarté à gauche… Dans cette région en crise de Lorraine, entre rejet des politiques et manque de repères, inquiétude du chômage et avenir bouché, il est facile de basculer dans une forme de radicalisation.
Delphine et Muriel Coulin ont adapté le très beau roman de Laurent Petitmangin (Ce qu’il faut de nuit) en se concentrant d’abord sur la lente dislocation d’une famille, quitte à aborder trop sommairement les mécanismes insidieux d’un repli identitaire (résumés ici à deux ou trois fachos qui viennent taper l’incruste dans les vestiaires et à un match de foot), quand le roman parvenait, par la seule voix du père où se devinait remords et culpabilité, à entrelacer avec finesse ces deux aspects du récit. Ici on ne sent jamais vraiment cette déshérence idéologique qui fracture, cette « tentation du pire » qui s’annonce (« On a essayé la gauche, on a essayé la droite, maintenant il faut trouver une autre solution », expliquera Fus), maladroitement amenées et conduites au sein de la narration.
Cela confère au film une certaine platitude, platitude dans son message qui enfonce des portes ouvertes sans chercher à approfondir le basculement de Fus et sa logique (il faut voir la discussion, insipide et manichéenne, entre Fus, Louis et l’un de ses amis autour des dangers de l’extrême-droite) et dans sa manière, sans relief, de mettre en scène les rapports de plus en plus conflictuels entre Fus et son père et les limites de l’acceptation de celui-ci, de l’amour porté à sa chair et son sang malgré ses écarts (qui iront jusqu’à l’irréparable). Et puis bon, Lindon fait du Lindon, as usual, tranquille dans sa zone de confort de VRP du cinéma social français, et on le préfère quand il s’éloigne un tant soit peu de cette image-là, notamment chez Ducournau ou chez Dupieux. Et peut-être aurait-il fallu un autre acteur pour nous étonner davantage, Damien Bonnard par exemple, Swann Arlaud ou Frédéric Pierrot pourquoi pas. Benjamin Voisin et surtout Stefan Crepon restent les seuls vrais intérêts du film, chacun remarquable dans des rôles différents, mais porteurs tous les deux d’un certain malaise de classe qui n’attendait, pour Fus (pour Louis, ce sera lors d’une intense et courte scène où il éreinte son père), qu’à violemment s’exprimer.
Michaël Pigé