Grégory Panaccione signe ici une œuvre fascinante, illustrant avec brio la puissance de la médecine psychédélique sur la conscience, avec à la clé de prodigieuses perspectives. Une adaptation réussie d’un récit autobiographique de Stéphane Allix, qui en est l’exemple parfait.
Celles et ceux qui connaissent Stéphane Allix ne seront guère surpris.es par cette adaptation. L’homme en effet, a déjà maintes fois témoigné de sa rencontre avec ces traitements alternatifs dont certains sont utilisées depuis des millénaires par certains peuples autochtones, notamment amazoniens. Les autres s’en trouveront peut-être un peu décontenancés, voire carrément dubitatifs, sinon hostiles ; ou bien verront au contraire leur curiosité piquée au vif. Car ce récit d’une grande sincérité propose un voyage dans les profondeurs de la psyché humaine pour révéler des territoires vastes et insoupçonnés, abandonnés par la pensée matérialiste qui s’est imposée en Occident.
En quelques mots, S. Allix raconte son cheminement vers les souvenirs enfouis de son enfance, ce qui l’amène à redécouvrir un événement traumatique que son cerveau avait fini par rejeter dans les limbes. C’est grâce à une thérapie à base de psilocybine que ce souvenir va revenir à la surface, et qu’il va pouvoir entamer le processus de guérison de son âme.
La question sous-jacente est bel et bien celle de la nature même de notre conscience que l’on cantonnerait, à tort, à la seule activité de notre cerveau. Cette sorte d’aveuglement, vécue comme une amputation de la dimension spirituelle (à défaut d’une terminologie plus appropriée), produirait de terribles conséquences sur notre quotidien.
Ce récit bouleversant nous invite à explorer notre conscience individuelle, à examiner nos mécanismes de défense inconscients, et contribue à remettre en cause ce que nous pensions savoir de la réalité. C’est une porte grande ouverte sur des mondes invisibles et pourtant tout aussi réels. Le défi pour Grégory Panaccione consiste à illustrer cet écheveau de questions. Comment en effet rendre compte de l’invisible ? Comment donner corps à la conscience au travail, à des sensations physiques, des intuitions, à ce puissant sentiment de reliance avec des mondes parallèles ?
Les talents d’illustrateurs de Panaccione ne sont plus à démontrer, et une fois de plus, il s’acquitte de cette tâche avec brio. Son dessin, on le connait : il vibre, tout entier dédié à son sujet, et particulièrement tout en étant plus ancré dans le réel. Cet étrange paradoxe, du moins en apparence, apporte une touche tout à fait vivante et singulière. Tout ce que Panaccione transcrit graphiquement du récit d’Allix est clair et donne une assez bonne idée de ce que peut éprouver une personne « en quête ». Il utilise des raccourcis graphiques pertinents pour synthétiser des émotions, quitte parfois à arroser son dessin d’eau de rose. C’est le cas par exemple des petits cœurs translucides dont il constelle le paysage sur quelques pages. Cet artifice peut paraitre naïf, mais en même temps, c’est cela, ça fonctionne. Globalement, on sent que Panaccione a tout à fait compris les enjeux et les ressorts d’une telle expérience, peut-être pour en avoir vécues lui-même de semblables ?… Quoiqu’il en soit, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est à l’écoute de son sujet.
On pourra penser ce que l’on veut de cette expérience, mais au-delà de la simple « croyance », on ne peut qu’être saisi devant cette mise à nu profonde de l’auteur (je parle de Stéphane Allix). Il se livre sans fard, fidèles à son habitude, et on sent que son témoignage est porté par une volonté farouche de dire le vrai. Qu’on le croit ou non, on reste stupéfait devant tant d’honnêteté, et les émotions parfois sauvages et contradictoires qui agitent Stéphane Allix, illustrées à merveille par Gregory Panaccione, acquièrent une densité et une force palpable. Nos âmes oubliées est aussi une belle histoire sur la puissance du pardon. Mais c’est avant tout une porte ouverte sur la conscience, une petite chance offerte à celles et ceux qui cherchent sans trouver, qui cherchent en tournant en rond, souvent sans même savoir qu’il y a matière à chercher. C’est un très beau livre, pétri d’amour, susceptible de solliciter les glandes lacrymales de ses lecteurs et lectrices.
Arnaud Proudhon